Soumis par Pierre le 14 février, 2021 - 15:23.
« La première ligne doit vous allumer, et c'est alors que ça devient comme chevaucher un taureau. Soit vous conservez la ligne, soit vous la jetez. Et si vous valorisez ce que vous faites, vous la conserverez envers et contre tout. » - Bob Dylan 10.0
La première ligne de la chanson, l'amorce, sert avant tout à vous mettre en selle, effectivement. L'amorce n'est pas une ligne d'ouverture banale ou arbitraire : tant pour l'auteur que l'auditeur, elle est la mèche pour mettre le feu aux poudres. Une amorce allumée, c'est un coup de feu pour l'écrire, cette chanson! Ce bang! est le signal de départ, et il vous faudra par la suite le chevaucher, ce taureau...
Donnez-lui de la bride, voyez où elle vous mène. Si la proposition d'ouverture ne vous allume pas, allumera-t-elle autrui? On n'a qu'une seule chance de faire une bonne première impression; il faut savoir la saisir.
Une stratégie de persuasion
Communiquer, c'est chercher à persuader. Persuader autrui de la valeur de ce qu'on a à dire, que le geste posé est vital, que cela compte. Qu'il faut nous croire. Accrocher l'auditeur dès le départ fait partie de cette stratégie qui sert à intriguer, titiller ou surprendre; toutes les approches sont bonnes si c'est pour convaincre l'auditeur que l'intérêt qu'il vous porte en vaut la peine. Sa capacité d'attention est courte; il faut aller la chercher.
Que retrouve-t-on dans une amorce?
Des repères couvrant les aspects tels que les « Qui fait quoi, quand et où », ce qui permet une mise en scène immédiate et dynamique de personnages à un moment charnière dans leurs vies. On y trouve l'affirmation d'un état d'âme, d'une prise de position, d'un constat ou d'une interpellation à autrui. Elle peut prendre la forme d'une phrase qui provoque, stimule ou pique la curiosité. L'amorce peut aussi être introspective ou interrogative, faire montre d'harmonie sonore, contenir le titre, mettre en scène un déplacement, etc.
10.0 - Bob Dylan, cité par Sheila Davis, Craft of Lyric Writing, p. 20 Trad. libre
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Soumis par Pierre le 14 février, 2021 - 17:17.
Les « QQQOù »
Fondamentalement, l'amorce sert à camper une scène et introduire des personnages, un état d'âme ou un événement qui se déroule essentiellement « ici et maintenant ». On gagne à identifier les Qui, Quoi, Quand et Où (QQQOù) vite et bien, dans les premières mesures du premier couplet, pour l'efficacité. Plus vite ce détail est géré, mieux ça vaut. Vous avez autre chose à nous raconter.
Qui...
Les pronoms nominaux sont omniprésents dans les amorces; ils n'ont pas à faire référence à un antécédent. Y prédomine largement le pronom [Je], celui qui permet d'assumer le propos de manière unisexe, et qui incite à l'identification. On les retrouvent dans une multitude de contextes où le protagoniste ressent, s'exprime et agit, seul ou en interaction avec autrui.
[Je suis un gars ben ordinaire] - Ordinaire, R. Charlebois
[Je m'baladais sur l'avenue] - Les Champs-Élysées, J. Dassin
[Je t'écris de la main gauche] - De la main gauche, D. Messia
[I read the news today oh boy] - A Day in the Life, The Beatles
Je suis définit un état, une identité ou une existence :
[Je suis un propriétaire] - Propriétaire, Madame
[Je suis une poupée de cire, une poupée de son] - Poupée de cire, poupée de son, F. Gall
[Je suis le dauphin de la Place Dauphine] - Il est 5h, Paris s'éveille, J. Dutronc
[Je suis infidèle, la musique m'appelle] - Infidèle, C. Dubois
Comme il peut définir une situation de lieu, ou dans le temps :
[Je suis au bistro des vieux enfants perdus] - Ma génération, L. De Larochellière
[Moi, je n'étais rien, mais voilà qu'aujourd'hui je suis] - Je l'aime à mourir, F. Cabrel
[Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre] - Que serais-je sans toi, J. Ferrat
[I am sitting in the morning at the diner on the corner] - Tom's Diner, S. Vega
L'utilisation des autres pronoms est aussi très répandu, bien sûr :
[Tu as volé as volé as volé l'orange du marchand] - L'orange, G. Bécaud
[Elle s'appelait Concepcion et avait besoin d'affection] - Concepcion, R. Charlebois
[Il est né un jour de printemps] - Comme un million de gens, C. Dubois
[Aimons-nous quand même] - Aimons-nous, Y. Deschamps
[Vous êtes l'obscur objet des désirs les plus clairs] - L'obscur objet, F. Hardy
[Ils s'aiment comme avant] - Ils s'aiment, D. Lavoie
Les pronoms démonstratifs ce, ça, cela, c' sont aussi très courant :
[Ce soir, je ne me suis pas épargnée] - Je ne suis qu'une chanson, G. Reno
[Ça ne m’intéressait nullement] - Motocross, J. Hunt
[C'est le début d'un temps nouveau] - C'est le début d'un temps nouveau, R. Claude
[C'était un p'tit bonheur que j'avais ramassé] - Le p'tit bonheur, F. Leclerc
[Cela se passait autrefois sur un écran noir et blanc sale] - Fu Manchu, R. Charlebois
Les prénoms
Ils servent à camper un portrait spécifique d'un personnage ciblé. Celui-ci se trouve parfois à être un amalgame de plusieurs personnes qui ont inspiré l'auteur. Placé en amorce, le prénom donnera, logiquement, le titre à la chanson.
[Marie-Hélène vient juste d'avoir 20 ans] - Marie-Hélène, S. Lelièvre
[My name is Luka I live on the second floor] - Luka, S. Vega
[Hey Jude don't make it bad] - Hey Jude, The Beatles
[Marcia, elle danse sur du satin, de la rayonne] - Marcia Baila - Les Rita Mitsouko
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Soumis par Pierre le 14 février, 2021 - 18:47.
...fait Quoi
Effectuer une action dynamique ou exprimer un état d'âme sont les réponses que l'on trouvera comme motivation, ne serait-ce que bouger, ressentir ou affirmer.
poser un geste, être motivé d'une intention, au [Je] :
[J'ai marqué d'une croix la clôture de ta cour] - Quand j'aime une fois j'aime pour toujours, R. Desjardins
[Je t'écris des mots purs] – Au fur et à mesure, L. Foly
[J'abandonne sur une chaise le journal du matin] - Déjeuner en paix, S. Eicher
[Allez viens j' t'temmène au vent] - J' t'temmène au vent, Louise Attaque
[Je chante comme un coyote] - Je chante comme un coyote, Offenbach
avoir une occupation, être affairé à vivre :
[I bought a toothbrush, some toothpaste, a flannel for my face] - Tempted, Squeeze
[J'ai plaqué mon chêne comme un saligaud] - Auprès de mon arbre, G. Brassens
[Tout seul encore à siroter dans un bar] - Y a du monde qui s'aime, Zébulon
[I keep a close watch on this heart of mine] - I Walk the Line, J. Cash
Être en déplacement
à pied...
[Je suis dans la ville et je me promène] - L'antiquaire, J. Leloup
[Je marche souvent dans la ville] - J'erre, Dumas
[Par les soirs bleus d'été j'irai dans les sentiers] - Sensations, R, Charlebois
[I come home in the morning light] - Girls Just Want to Have Fun, C. Lauper
[As I walk through this wicked world] - (What's so funny about) Peace, Love and Understanding, E. Costello
...au pas de course, ou en voiture :
[En courant, sur ma plage imaginaire] - En courant, L. Jalbert
[J'fais mon footing au milieu des algues et des coraux] - Gaby, oh Gaby, A. Bashung
[Climbing up on Solsbury Hill] - Solsbury Hill, P. Gabriel
[On est parti samedi dans une grosse voiture] - Les cornichons, N. Ferrer
[When I'm drivin' in my car and the man come on the radio] - Satisfaction, The Rolling Stones
[Get your motor running head out on the highway] - Born to be Wild, Steppenwolf
Affirmer, comme dans : dire, énoncer, prendre position, s'affirmer ou interpeller autrui :
[Dis-lui toi que je t'aime] - Dis-lui toi que je t'aime, V. Paradis
[À 18 ans j'ai quitté ma province] - Je m'voyais déjà, C. Aznavour
[Aujourd'hui j'me décide à chanter en joual] - Je suis cool, G. Valiquette
[Attention mesdames et messieurs dans un instant on va commencer] - Attention mesdames et messieurs, M. Fugain et le Big Bazar
[Hey kids, shake it loose together] - Bennie and the Jets, Elton John
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Soumis par Pierre le 1 avril, 2021 - 17:52.
Le temps et le lieu sont les autres ingrédients fondamentaux qui permettent d'asseoir une amorce efficace. Le temps et l'espace peuvent prendre mille formes : être énoncés clairement, tout de go, ou encore se dissimuler entre les lignes, selon l'état d'âme ou l'action que l'on cherche à mettre en place.
Le temps est multiforme : maintenant, demain, à l'heure, au passé ou au futur.
[Une chose est sûre aujourd'hui / le miroir que je regarde réfléchit]10.1
[D'heure en heure l'apiculteur se meurt]10.2
[Demain l'hiver, je m'en fous / je m'en vais dans le sud au soleil]10.3
[Et maintenant que vais-je faire de tout ce temps / Que sera ma vie?]10.4
Une façon dynamique d'amorcer une chanson passe par un campement de décor, en créant du mouvement par un déplacement ou en posant un geste; en y allant d'une affirmation, ou en interpellant quelqu'un. L'idée est de donner à voir en un claquement de doigts.
[Juste en bas d'chez-moi sur la rue Mont-Royal / Y a un p'tit gars y a pas d'bicycle]10.5
[J'viens de sortir du Bouvillon / Je m'en vais au Café Campus]10.6
[La voiture avançait dans la pénombre humide]10.7
[Aujourd'hui j'me décide à chanter en joual]10.8
[Mesdames et messieurs attention / je vais vous faire une chanson]10.9
Ces amorces, précédentes ou celles à venir, ont en commun de survenir au moment présent, dans l'ici et maintenant. C'est le temps usuel de l'état d'âme et de l'observation. L'éternel présent.
[Ben assis, nus pieds su'l bois franc / Le p'tit rouge la flamme en transe]10.10
[Waiting for the break of day / Searching for something to say]10.11
Le point commun entre ces deux amorces? Elles évoquent un acte de création à un endroit et un moment précis, l'un [assis, nus pieds su'l bois franc] et l'autre qui cherche de quoi à dire quelques [25 or 6 to 4] (25 ou 26 minutes avant 4 heures), invoquant les muses, une guitare à la main et, et tout ce qu'il faut pour allumer l'inspiration et rester réveillé. Et de quoi noter, bien sûr.
[Je marche tout seul le long de la ligne de chemin fer]10.12
[J'entre avec l'aube dans le village endormi]10.13
Les déplacements en solitaire sont fréquents pour installer du mouvement, insuffler une motivation et cadrer un état d'âme. Le moment est intemporel pour le premier exemple, et précisément à [l'aube] pour l'autre. L'endroit est d'abord aléatoire sur une [ligne de chemin de fer], et le second évoque un [village endormi] anonyme. La solitude, le lot de l'errance.
[Dans un bar de l'oubli je m'arrête, je m'assois] 10.14
[Elle s'arrête pour prendre des photos]10.15
D'entrée, ici, le mouvement s'interrompt et cède la place à un geste, comme celui de [prendre des photos], ou de s'asseoir, ici et maintenant, pour contempler et vivre le moment présent.
Le distique
La conjonction quand est utilisée pour marquer le moment, pour adopter un angle et philosopher sur la nature humaine. C'est synonyme de lorsque, au moment où, alors que, et ouvre la porte à la phrase dite complexe, plus développée et qui résulte souvent en un distique, qui se veut la réunion de « deux vers formant un sens complet ».
Un bon nombre de premières lignes sont en fait des distiques, une paire de lignes qui se complètent sur la moitié du premier couplet, disons 4 mesures sur 8. L'apostrophe indique la césure, là où la phrase respire.
[Quand] ouvre la porte à la concession, à faire contre mauvaise fortune bon cœur et viser d'être un meilleur humain :
[Quand les hommes vivront d'amour ' Il n'y aura plus de misère]10.16
[Quand on a que l'amour ' à s'offrir en partage]10.17
[Quand] évoque tant le moment présent que le passé, en plus des bonnes résolutions et autres voeux pieux à venir :
[Quand tu traverses la pièce en silence, que tu passes devant moi]10.18
[Quand j'tais p'tit gars, je jouais dans ruelle avec les chats]10.19
[Quand j'vas être un bon gars / pas d'alcool pas de tabac]10.20
[Quand] devient adverbe si on peut le remplacer par "à quel moment".
À l'imparfait
Amorcer le texte du bon pied en visualisant un moment intéressant dans un endroit imaginable est une technique qui a fait ses preuves.
Pour se remémorer une anecdote ou une bonne histoire sur le ton du passé récent, l'imparfait est le mode tout choisi, celui qui « permet de mettre une ambiance, de créer une atmosphère ou planter un décor. En général, c’est le temps utilisé à l’écrit pour une description. ».
Penchons-nous alors sur le descriptif grâce aux repères suivants :
Quand et où? [C'tait un matin su'l bord de la 20]10.21
Où et quand? [Dans un marais de joncs mauvais, y'avait] (10.22) Au passé.
Qui faisait quoi, quand, où et de quelle façon?
[Je m'baladais sur l'avenue le cœur ouvert à l'inconnu ]10.23
[Cela se passait autrefois sur un écran noir et blanc sale]10.24
Il s'est passé quoi? [Cela]. Quand et où? [autrefois sur un écran]
À l'opposé, il arrive aussi qu'un état d'âme domine au détriment de l'un, l'autre ou des deux repères de temps et de lieu, et que ceux-ci se lisent entre les lignes. Il demeure néanmoins qu'un état d'âme s'exprime, en principe, ici et maintenant, et c'est ce qui est à retenir. Ça ne veut pas dire que parce qu'on n'en fait pas mention, que ces repères sont inexistants. Au contraire : même sous-entendus, les repères de temps et de lieu occupent l'espace qui leur revient.
D'autres marqueurs de temps sont aussi utilisés en amorce :
[Aujourd'hui j'ai rencontré l'homme de ma vie]10.25
[Friday nights and the lights are low]10.26
[Tiens tout a changé ce matin Je n'y comprends rien]10.27
[Hier encore, j'avais 20 ans]10.28
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10.1 - Aujourd'hui, Ève Cournoyer, (E. Cournoyer) Sabot-de-Vénus, Indépendant, 2004
10.2 - L'apiculteur, Alain Bashung, (Bashung, Fauque/Bashung) Chatterton, Barclay, 1994
10.3 - Demain l'hiver, Robert Charlebois, (R. Charlebois) Robert Charlebois, Gamma, 1968
10.4 - Et maintenant, Gilbert Bécaud, (P. Delanoë G. Bécaud), Pathé Marconi EMI, 1961
10.5 - Dédé, Les Colocs, (A. Fortin/G. Lapointe) Les Colocs, BMG, 1992
10.6 - Le révolté, Robert Charlebois, (R. Ducharme/R. Charlebois) La Solidaritude, Barclay, 1973 10.7 - Le noceur, Francis Cabrel, (F. Cabrel) Samedi soir sur la Terre, Sony, 1994
10.8 - Je suis cool, Gilles Valiquette, (G. Valiquette) Deuxième arrêt, Zodiaque, 1973
10.9 - 1990, Jean Leloup, (J. Leloup/La Sale affaire/J. DiSalvio), Audiogram, 1991
10.10 - Boules à mites, Daniel Boucher, (D. Boucher) dix mille matins, GSI, 1999
10.11 - 25 or 6 to 4, Chicago (Robert Lamm), Chicago, CBS, 1970
10.12 - Allo maman bobo, Alain Souchon, (A. Souchon / Laurent Voulzy), Jamais content, RCA, 1977, © Les éditions Alain Souchon
10.13 - Terre promise, Éric Lapointe (É. Lapointe/É. Lapointe, Aldo Nova) Obsession, Gamma, 1994 10.14 - Angela, Gerry Boulet, (Denise Boucher / G. Boulet) Rendez-vous doux, Double, 1988
10.15 - Ma photographe, Philippe B, (Philippe B.) Variations fantômes, Bonsound, 2011
10.16 - Quand les hommes vivront d'amour, Raymond Lévesque, (R. Lévesque), © Semi, 1956
10.17 - Quand on a que l'amour, Jacques Brel (J. Brel), Philips, 1956
10.18 - Pas d'amie (comme toi), Stephan Eicher (P. Djian/S. Eicher), Engelberg, Barclay, 1991
10.19 - Anecdote, Plume pi Cassonade, (Latraverse/Faulkner) Pommes de route, Dragon, 1975 10.20 - Le bon gars, Richard Desjardins (R. Desjardins), Tu m'aimes-tu, Foukinic,1990
10.21 - La 20, Plume pi Cassonade, (Latraverse) Pommes de route, Disques Dragon, 1975
10.22 - Bozo, Félix Leclerc (F. Leclerc) Félix Leclerc chante ses derniers succès, Quality, 1951
10.23 - Les Champs-Élysées, Joe Dassin, (Pierre Delanoe / Mike Deighan / Mike Wilsh) Joe Dassin, CBS, 1969
10.24 - Fu Manchu, Robert Charlebois, (C. Gagnon/M. Sabourin/R. Charlebois) Robert Charlebois, Barclay, 1972
10.25 - J'ai rencontré l'homme de ma vie, Diane Dufresne (L. Plamondon/F. Cousineau), Tiens-toé ben j'arrive!, Amérilys/Barclay, 1972
10.26 - Dancing Queen, ABBA (B. Andersson, B. Ulvaeus, S. Anderson), Arrival, Atlantic, 1976
10.27 - La fête M. Fugain et le Big Bazar (M. Vidalin/M. Fugain), No 2 CBS, 1973
10.28 - Hier encore, Charles Aznavour, (C. Aznavour), Charles Aznavour, Barclay, 1964
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Soumis par Pierre le 11 juillet, 2021 - 17:00.
Les lieux agissent comme points d'ancrage narratifs pour camper des personnages et leurs émotions, les situer et les regarder aller dans le but de donner à voir. Par lieu, j'entends tout emplacement répondant tant à un ici identifiable, réel, nommé, anonyme ou magnifié... :
[Café Olimpico, y fait presque frette]10.29
[Dans ma p'tite ville on était juste 4000]10.30
[Dans le port d'Amsterdam / y a des marins qui chantent]10.31
[Pour supporter, le difficile, et l'inutile y a l'tour de l'île]10.32
[I met her in a club down in old Soho]10.33
[Well the South side of Chicago is the baddest part of town]10.34
...qu'à un ailleurs quelque part, intime ou à perte de vue :
[Ailleurs, c'est peut-être ici / Va savoir]10.35
[Dans mon âme et dedans ma tête il y avait autrefois un petit roi]10.36
[Somewhere over the rainbow, way up high]10.37
[Miles from nowhere I guess I'll take my time Oh yeah, to reach there]10.38
[On a dark desert highway, cool wind in my hair]10.39
[À perte de vue des lacs gelés / qu'un jour j'ai juré d'enjamber]10.40
Peu importe que le discours soit intériorisé, métaphorique ou que le narrateur se retrouve au milieu de nul part, être « ailleurs » implique être « quelque part ». Les lieux demeurent des éléments-clés dans un narratif et, jumelés au temps, les deux groundent le film de la chanson.
10.29 - Pas d'choker, pas d'collier, Louise Forestier, (Forestier/Forestier, A. Dufresne), Ephémère, Lumières, 2008
10.30 - La rue principale, Les Colocs, (A. Fortin/N. Bélanger) Les Colocs, Ariola/BMG, 1993
10.31 - Amsterdam, Jacques Brel, (J. Brel) Olympia 1964, Barclay, 1964
10.32 - Le tour de l'île, Félix Leclerc, (F. Leclerc) Le tour de l'île, Philips, 1975
10.33 - Lola, The Kinks, (Ray Davies) Lola versus Powerman and the Moneygoround pt. 1, Pye, 1970 10.34 - Bad bad Leroy Brown, Jim Croce (J. Croce), Life and Times, ABC, 1973
10.35 - Alors alors, Dumas (S. Dumas), Fixer le temps, Tacca, 2006
10.36 - Le petit roi, Jean-Pierre Ferland (J.-P. Ferland/M. Robidoux), Jaune, Barclay, 1970
10.37 - Over the Rainbow, Judy Garland, (E.Y. Harburg/H.Arlen, H.Stothart), The Wizard of oz, MGM, 1939
10.38 - Miles from nowhere, Cat Stevens (C. Stevens/Yusuf), Tea for the Tillerman, A&M, 1970
10.39 - Hotel California, The Eagles (D. Felder, D. Henley, G. Frey), Hotel California, Asylum, 1977 10.40 - À perte de vue, Alain Bashung, (A. Bashung, J. Fauque/Bashung) Chatterton, Barclay, 1994
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Soumis par Pierre le 14 octobre, 2021 - 19:06.
Le terme amorce s'applique à la première ligne du premier couplet chanté avant le premier refrain. Comme on a vu plus haut, l'idée est que l'amorce n'excède pas la moitié du couplet. Ainsi, on place les QQQOù vite et bien, et on passe à autre chose.
Le premier couplet introduit un récit, un état d'âme et des personnages qui vivent un moment-clé de leur vie. Les techniques pour créer l'intérêt sont variées, mais on souhaite partir fort. L'amorce a une mission : celle d'accrocher l'oreille.
[Je m' baladais sur l'avenue / le cœur ouvert à l'inconnu...]10.41
[Moi j'suis né du bon bord, du bord de l'Amérique...]10.42
[Notre histoire a commencé par quelques mots d'amour...]10.43
[Vers les docks où le poids et l'ennui me courbent le dos...]10.44
Le refrain, lui, agit comme un socle. C'est la partie accrocheuse qui devient ver d'oreille. Le titre s'y trouve habituellement, placé en ouverture et/ou en fermeture de la section. Le refrain résout la situation élaborée dans les couplets qui l'ont précédé.
[...Aux Champs-Élysées] 10.41
[...Amère America] 10.42
[...C'est ma vie] 10.43
[...Emmenez-moi au bout de la Terre]10.44
Quand le refrain survient (après un / ou quelques couplets), le titre devrait, en principe, être
« gros comme une église catholique », comme on dit par chez nous. Impossible à rater. Immanquable.
Ces deux parties, dans l'ordre, produisent la forme Couplet/Refrain (CR). La première ligne a pour mission d'aller chercher l'attention par une affirmation forte, parfois provocatrice, ou par une réflexion intrigante qui piquera la curiosité. Situer des personnages, un état d'âme dans un contexte de temps et de lieu sont autant d'informations qui nous font voir rapidement de quoi il en retourne.
10.41 - Les Champs-Élysées, Joe Dassin, traduction de Down Waterloo Road par Pierre Delanoë, 1970
10.42 - Amère America, Luc de Larochellière, (L. de Larochellière) Amère America Trafic, 1988
10.43 - C'est ma vie, Salvatore Adamo, Pathé, 1975
10.44 - Emmenez-moi, Charles Aznavour, (C. Aznavour) Entre deux rêves, Barclay, 1967
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Soumis par Pierre le 16 octobre, 2021 - 18:16.
Le refrain d'abord
Qu'advient-il du concept de l'amorce quand la forme s'inverse et que la chanson débute par le refrain? A-t-on encore besoin d'une ligne d'ouverture de couplet punchée, qui provoque, intrigue ou pique la curiosité? La ligne de force qu'est le titre, en ouverture, n'est-elle pas l'amorce ultime?
La question est rhétorique, mais comme les exemples sont monnaie courante, elle mérite d'être abordée. Parmi quelques exemples:
[I lost my baby (…) I lost my mind]10.45
[Elle s'appelait Concepcion / et avait besoin d'affection]10.46
[Love is like oxygen / You get too much you get too high]10.47
[Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne]10.48
Et leurs amorces respectives :
[Pour une fille d'Ottawa, grandie a Ste-Foy]
[L'autre s'appelait Ramonn / Et conduisait un gros camionn]
[Time on my side / I got it all]
[Si tu me laisses la Tchétchénie, moi je te laisse l'Afrique]
Ce court échantillon suggère une tendance à voir l'amorce prendre davantage le rôle d'une transition au service du récit, plutôt que celui d'avoir à capter l'attention à tout prix.
Cela permet de savoir pourquoi le [Je] de I Lost my Baby a perdu l'esprit, à cause de la [fille d'Ottawa, grandie à Ste-Foy].
Concepcion, elle, a pour amant [Ramonn [qui] conduisait un gros camionn], dépeignant avec humour le personnage d'un trait de langage caricatural. La ligne fait transition ici aussi, tout en piquant la curiosité puisqu'on se doute qu'il n'y manquera pas de rebondissements divertissants!
Love Is Like Oxygen est une des lignes de force les plus véridiques à résonner depuis sa sortie en 1978 : [Love is like oxygen / You get too much you get too high / not enough and you're gonna die / Love gets you high]. Une des grandes comparaisons de l'histoire de la chanson.
Aucune amorce ne devrait avoir à rivaliser avec une telle ligne; ce serait un mauvais calcul que d'avoir pareille compétition à l'interne. On trouve plutôt ici une première ligne introspective qui, encore, fait transition, où le protagoniste se félicite d'avoir la totale de son côté : [Time on my side / I got it all], mais dévoile aussitôt le regret d'avoir eu l'orgueil mal placé : [I heard that pride / Always comes before a fall].
[Ils ont partagé le monde] énonce d'entrée le constat brutal et désabusé de Plus rien ne m'étonne. La ligne de force monopolisera le refrain, et les couplets, eux, se chargeront d'alimenter les détails des enjeux quant aux négociations à propos de pays, de matières premières et autres enjeux de pouvoir : la Tchétchénie en échange de l'Arménie, l'uranium pour l'aluminium, les gisements pour chasser les Talibans, etc.
En temps et lieu
Dans le même ordre d'idée, les contextes de temps et de lieux peuvent être sobrement établis, de manière factuelle, sans flafla :
[When I'm drivin' in my car / and the man come on the radio]10.49
[On attendait le même feu vert / lui à pied et moi dans ma Corvair]10.50
[Friday nights and the lights are low / Looking for a place to go]10.51
[J'habite un quartier pollué et surpeuplé]10.52
On n'y sent pas le même besoin d'épater la galerie, le même désir de capter l'attention, mais plutôt la nécessité d'établir les faits, un contexte, un début de récit. Et il n'y a pas meilleur chemin que celui qui passe par les « Qui, Quoi, Quand et Où », vite fait bien fait.
10.45 - I Lost My Baby, Jean Leloup (J. Leloup), Le Dôme, Audiogram, 1996
10.46 - Concepcion, Robert Charlebois (R. Charlebois), Robert Charlebois, Barclay, 1972
10.47 - Love Is Like Oxygen, Sweet, (Andrew Scott / Trevor Griffin), Level Headed, Polydor, 1978 10.48 - Plus rien ne m'étonne Tiken Jah Fakoly, (Tiken Jah Fakoly/Tyrone Downie), Plus rien ne m'étonne, Barclay, 2004
10.49 - Satisfaction, The Rolling Stones (Jagger/Richards), Out of our heads, Decca, 1965
10.50 - J'ai rencontré l'homme de ma vie, Diane Dufresne (L. Plamondon/F. Cousineau), Barclay, 1972
10.51 - Dancing Queen, ABBA, (Ulvaeus/Andersson/Anderson), Arrival, Polygram, 1976
10.52 - Faut pas s'en faire avec ça, Pierre Létourneau (G. GauthierP. Létourneau), Tous les jours de la semaine, Campus, 1973
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Soumis par Pierre le 14 novembre, 2021 - 18:57.
La métrique de l'amorce
L'amorce prend souvent la forme d'une phrase affirmative simple, énoncée en S-V-O, pour être comprise par tous, tout de suite. Elle introduit la métrique à venir. Celle-ci varie, selon le nombre de syllabes, entre les : tétrasyllabe (4), pentasyllabe (5), ou hexasyllabe (6) et qui, en les doublant, deviendront des octosyllabes (8), décasyllabes (10) et dodécasyllabes (12), ce dernier mieux connu comme alexandrin.
En versification française, les métriques paires sont la norme, et contribuent à écrire « carré », ce qui facilite la scansion, sa mise en musique et son exécution. Une logique prédominante de son et de sens favorisera l'enchaînement et la mémorisation des lignes, l'une à la suite de l'autre, comme un escalier.
La métrique en tétrasyllabe est la ligne la plus courte pour entamer un couplet. Efficace et concise, elle a du punch :
[Soûl comme une botte]
La suivante se dédouble et devient octosyllabe, établissant la métrique des couplets à venir :
[Assis au Bock / pas loin d'la porte]10.53
L'hexasyllabe est souvent auto-suffisant comme phrasé. Doublez-le, et vous obtenez un alexandrin fluide comme cadence de départ. L'hexasyllabe « se rencontre seul ou en association avec l'alexandrin pour en rompre la monotonie [...] »10.54
[C'était un p'tit bonheur / que j'avais ramassé]10.55
[BonYeu donne moi une job] / [faut que j' fasse mes paiements]10.56
Incidemment, le premier couplet de BonYeu est intéressant à observer. D'abord, l'amorce, constituée de 2 hexasyllabes (encadrés), se suffit à elle-même. Elle établit de qui et de quoi il sera question : l'appel à l'aide d'un chômeur, en désespoir de cause, à une force supérieure censée l'aider à le tirer d'une mauvaise passe.
La scansion en [taDA] est établie tout de go, et elle ouvre la porte à deux octosyllabes qui roulent en bouche, d'abord pour prendre un élan :
[Am'ner ma blonde ' au restaurant], avant de terminer en une pétarade de double-croches :
[Checker les numéros gagnants], et qui place la table pour le reste du morceau.
L'octosyllabe
Parlant d'octosyllabe, celui-ci s'allonge habituellement sur deux mesures de 4 temps, ce qui, répété 4 fois, produit le couplet « de base », soit un quatrain de 4 lignes sur 8 mesures. C'est une métrique fondamentale et archi-fréquente.
[Ce matin je sors de chez-moi / il m'attendait, il était là]10.57
Dans Le petit oiseau de toutes les couleurs, les QQQOù lancent le narratif : Quand? [Ce matin]; Qui fait Quoi? [Je sors de (Où?) chez moi]. Sur une pointe d'intrigue, ça se poursuit : [il m'attendait, il était là], renforcé par la répétition du pronom, mais sans préciser qui l'attend, pour maintenir un suspens. À l'aide d'un distique de deux octosyllabes, Bécaud harmonise par les allitérations [matin / m'attendait], et les assonances [in/en] et [moi/là]. La métrique est fluide et brosse un instantané mémorable.
[Toutt' seul chez nous ' avec moi-même / Tassé dans le coin ' par mes problèmes]10.58
Mes blues passent pu dans porte est un bel exemple d'une métrique de base simple et efficace. On a ici affaire à 2 tétrasyllabes (4) - coupés carrés - par ligne : [Toutt' seul chez nous] ' [avec moi-même], qui établissent une rythmique à la [ta-DA]. Répétons, et on obtient un distique qui cadre un portrait existentiel, en deux lignes, d'une mélancolie vécue ici et maintenant.
[Dimanche au soir ' à Châteauguay / les pieds pendants ' au bout du quai]10.59
Les chuintantes [ch] s'emboîtent sans efforts dans le premier octosyllabe, et les plosives [p] et [b] prennent le relais dans le second. La coupe rythmique est impeccable, et les tétrasyllabes sont liés par les voyelles ouvertes [an], [o], [wa], [a], [â], [o] et [é], s'harmonisant pour produire un octosyllabe impeccable, qui brosse un portrait bucolique et éternel d'un soir d'été au bout d'un quai, ici et maintenant. Zénitude.
[Si j'ai bien ' toute ma mémoire / disait Dieu ' dans un coin du ciel]10.60
Le roulement particulier ici tient à la connivence de deux octosyllabes construits autour d'un trisyllabe (3) : [Si j'ai bien '] ou [disait Dieu ']; et d'un pentasyllabe (5) en double-croches [toute ma mémoire] ou [dans un coin du ciel], qui roulent en bouche. Mettre en scène Dieu réfléchissant à la portée de ses gestes produit une allégorie morale universelle puissante sur les enjeux d'hier, lesquels sont toujours d'actualité.
10.53 - Jonquière, Plume + Cassonade, Pommes de route, Dragon, 1975
10.54 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Versification_française
10.55 - Le p'tit bonheur, Félix Leclerc (F. Leclerc), Chante ses derniers succès, Polydor, 1951
10.56 - BonYeu, Les Colocs, (Alan Lord), Atrocetomique, BMG, 1995
10.57 - Le p'tit oiseau de toutes les couleurs, Gilbert Bécaud, (G. Bécaud/Maurice Vidalin), La voix de son maître/EMI, 1966
10.58 - Mes blues passent pu dans porte, Offenbach (P. Huet/G. Boulet), Traversion, Kébec-Disc, 1978
10.59 - Harmonie du soir à Châteauguay, Beau Dommage, (Robert Léger), Beau Dommage, Capitol, 1973
10.60 - Assis sur le rebord du monde, Francis Cabrel [F. Cabrel), Samedi soir sur la Terre, Columbia, 1994
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Soumis par Pierre le 18 décembre, 2021 - 18:46.
Le décasyllabe se trouve à être la réunion de deux pentasyllabes, comme par exemple:
[Je rêve à Rio] / [devant ma radio]10.61
Cette samba endiablée, doublée d'un commentaire social, repose sur une inflexible suite de pentasyllabes, ce qui donne un débit régulier et une carrure à l'ensemble, la césure tombant exactement toujours au même endroit. L'amorce met en scène une personne au genre indéfini, sinon qui ne l'a pas facile et qui rêve d'être ailleurs, et pourquoi pas à Rio! Où et quand tout cela se passe-t-il? Ici et maintenant, [devant ma radio], dans [un p'tit haut, dans l'est sur Viau].
Chaque couplet compte 12 mesures et se répète une seconde fois avant d'aboutir au refrain qui, lui, fait 8 mesures. C'est la forme de base du morceau. Chaque couplet compte 35 syllabes sur 7 lignes, pour autant de pentasyllabes. Les couleurs vocaliques sont à la fois homogènes et différentes dans chacun, pour déjouer la monotonie : ça débute par les [o], devient [ette], [é], [i], pour conclure en [é]. Les allitérations en [r] et [v] lient la sauce, contribuant à une harmonie sonore qui rend le tout mémorable et facile à chanter. La coupe est « carrée », même si le pentasyllabe est impair : l'un n'empêche pas l'autre. Le développement de la trame narrative progresse ligne par ligne, et ça swingue en masse jusqu'au bout des 3:32...
[All the leaves are brown] / [and the sky is grey]10.62
L'amorce de California Dreaming est similaire à la précédente, c'est-à-dire qu'elle est aussi bâtie sur 2 pentasyllabes. Un accent d'insistance lance le premier des deux : [All the leaves are brown], et le dernier mot marque l'accent tonique pour les deux pentas, les couleurs brune et grise pesant de tout leurs poids de par leur emplacement stratégique.
L'alexandrin est la métrique réputée la plus utilisée de la langue française, celle qui a déclassé le décasyllabe au XVIe siècle. Toutefois, « on ne saurait en revanche se contenter de définir l'alexandrin comme un vers de douze syllabes : les composants de l'alexandrin sont les hémistiches, et les syllabes ne sont que les composants de l'hémistiche. » 10.63
[Il joue avec mon cœur ' Il triche avec ma vie]10.64
[Voilà combien de jours ' voilà combien de nuits]10.65
Ces deux exemples usent de balancement rythmique, par une métaphore filée pour la première : [joue / triche] auquel se marie un bel effet miroir : [cœur / vie]. Le second y va d'une répétition qui relève de l'insistance : [Voilà combien de...], tout en opposant les concepts [jours/nuits].
[J'abandonne sur une chaise ' le journal du matin]10.66
[J'ai marqué d'une croix ' la clôture de ta cour]10.67
Le geste posé par un individu prend une signification particulière selon la situation. Ici, ils sont volontaires, assumés, et appellent une élaboration. Une intrigue s'installe. On veut connaître la suite.
[Get your motor running ' head out on the highway]10.68
[Sittin' right behind me ' I could smell her perfume]10.69
Enjamber une moto et partir à l'aventure; ou encore, partager un espace propice à une intimité olfactive; ces amorces sont dynamiques et instillent une intrigante intensité.
[Quand on a que l'amour ' à s'offrir en partage]10.70
[God is a concept ' by which we measure our pain]10.71
L 'affirmation d'un état d'âme, de soi ou d'une prise de position peut prendre la forme d'un énoncé costaud, un statement à la limite de la provocation.
Balancement, symétrie et répétitions
Des effets de balancement et de symétrie sont aussi à l'oeuvre par l'usage de répétitions, et contribuent à de très efficaces effets de miroir :
[Bye bye mon cowboy / bye bye mon rodéo]10.72
[Elle s'arrête pour prendre des photos / elle s'achète des bijoux rococco]10.73
[I, I will be king / and you, you will be queen]10.74
[Inutile de me chercher / de me chercher parmi les morts]10.75
[J'ai du succès dans mes affaires / j'ai du succès dans mes amours]10.76
[Tu avais les ongles longs / j'avais les ondes courtes]10.77
10.61 - Je rêve à Rio, Robert Charlebois (R. Charlebois/Michel Robidoux, R. Charlebois), Charlebois, (Vol. X) Barclay, 1974
10.62 - California Dreamin', The Mamas and the Papas (John Phillips/Michelle Phillips), If You Can Believe Your Eyes And Ears, Dunhill/RCA, 1965
10.63 - https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandrin
10.64 - Mon mec à moi, Patricia Kaas (D. Barbelivien/F. Bernheim), Mademoiselle chante..., Polydor, 1988
10.65 - Dis? Quand reviendras-tu?, Barbara (Barbara), Dis? Quand reviendras-tu?, CBS, 1964
10.66 - Déjeuner en paix, Stefan Eicher (P. Djian/S. Eicher), Engelberg, Barclay, 1991
10.67 - Quand j'aime une fois, j'aime pour toujours Richard Desjardins (R. Desjardins), Tu m'aimes-tu, Foukinic, 1990
10.68 - Born To Be Wild, Steppenwolf (Mars Bonfire) Steppenwolf, RCA, 1968
10.69 - Drive, She Said, Stan Ridgway (S. Ridgway), The Big Heat, IRS, 1986
10.70 - Quand on n'a que l'amour, Jacques Brel (J. Brel), Philips, 1956
10.71 - God, John Lennon (J. Lennon), John Lennon/Plastic Ono Band, Apple, 1970
10.72 - Bye-bye mon cowboy, Mitsou (Jean-Pierre Isaac), El Mundo, ISBA, 1988
10.73 - Ma photographe, Philippe B. (Philippe B.), Variations fantômes, Bonsound, 2011
10.74 - Heroes, David Bowie (D. Bowie/Brian Eno), Heroes, RCA, 1977
10.75 - Comme un incendie, Jean-Louis Murat (JLM Bergheaud), Le cours ordinaire des choses, Scarlett/V2, 2009
10.76 - Le blues du businessman, Claude Dubois (Luc Plamondon/Michel Berger), Starmania, Warner, 1978
10.77 - Mécaniques générales, Patrice Michaud (P. Michaud/P. Michaud/Éric Dion), Le feu de chaque jour, Spectra, 2014
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Soumis par Pierre le 1 février, 2022 - 17:34.
Les approches en amorces sont multiples et varient selon l'inspiration et l'intention qui ont visité l'auteur.e au moment de pondre la ligne. L'idée peut surgir spontanément, comme elle peut faire son chemin lentement, d'une manière plus réfléchie. Elles peuvent être regroupées en quelques larges catégories, et les nuances dans celles-ci deviennent un kaléidoscope de possibilités.
Ces énoncés sont pour la plupart des affirmations, c'est-à-dire des actes de langage que l'auteur crée dans le but d'agir de façon créative sur lui-même et son environnement. Les amorces les plus intéressantes se démarquent et deviennent des gestes d'affirmation de soi, personnels ou collectifs.
L'amorce prend la forme d'une observation qui campe un narratif, ou celle d'un échange sur le ton de la conversation. Elle va de l'interpellation d'autrui au cri du cœur. Elle appelle la confidence, ou assène une vérité brutale. Elle porte une prise de parole libératrice, ou elle émet un commentaire social pertinent.
Ouvrir par une ligne stimulante place la barre à une certaine hauteur pour la suite des choses. Les meilleures chansons ont rarement une amorce banale. Un début stimulant dynamise ce qui s'ensuit.
Les techniques les plus usuelles pour amorcer un texte sont les suivantes :
- Affirmer, s'affirmer, de l'énoncé au commentaire social, jusqu'à la provocation;
- s'exprimer, s'adresser à autrui, dire, échanger, interpeller, s'exclamer;
- être dans l'action, se mouvoir et se déplacer, peu importe le moyen de transport;
- piquer la curiosité, intriguer, questionner, allumer;
- vivre l'ici et maintenant dans des contextes de temps et de lieu;
- le narrateur observateur du quotidien, et son intérêt envers autrui;
- accrocher l'oreille par une image parlante, des allitérations, une ligne qui swingue, le beat, le balancement et la répétition.
Affirmer, s'affirmer
L'affirmation simple : l'idée et la phrase sont complètes en respectant la structure classique S-V-O où un seul verbe y est conjugué. Cette ligne donne parfois le titre au morceau selon la forme musicale utilisée. L'auteur.e, par la voix de l'interprète, lance une affirmation, un énoncé porteur d'une vérité, ou encore établit un contexte de temps ou de lieu.
[Aimons-nous quand même]
[Comme tous les matins le soleil se lève]
[Il a neigé à Port-au-Prince]
[J'aime les filles]
[Je suis pendu à vos lèvres]10.78
La phrase complexe / le distique : soit la phrase comporte deux verbes pour la phrase complexe, soit elle s'articule en deux temps pour communiquer l'idée au complet. Ce sont des lignes à complexité variable selon les niveaux de langage, de sens et d'intention.
[C'est comme une gaité, comme un sourire / quelque chose dans la voix]
[Moi qu'avais des belles îles, des buttes et des sillons / Me v'la perdu en ville tout seul dans des millions]
[He thought he was the King of America / Where they pour Coca Cola just like vintage wine]
[Once upon a time you dressed so fine / Threw the bums a dime in your prime, didn't you?]10.79
L'affirmation réconfortante : celle qui se veut positive et qui cherche à rassembler.
[Faut pas s'en faire avec ça y'en a qui on connu pire]
[J'aime prendre le temps qu'il me faut pour vivre]
[Notre vieille terre est une étoile / Où toi aussi tu brilles un peu]
[Hey Jude don't make it bad]
[There's nothing you can do that can't be done]10.80
10.78 - Aimons-nous, Yvon Deschamps (Y. Deschamps/Jacques Perron); Oxygène, Diane Dufresne (Luc Plamondon/Germain Gauthier); Je reviens chez nous, Jean-Pierre Ferland; J'aime les filles Jacques Dutronc (Jacques Lanzmann/J. Dutronc); C'est quand le bonheur?, Cali (Bruno Calicieri).
10.79 - Ella, elle l'a, France Gall (Michel Berger); Le frigidaire, Tex Lecor (Georges Langford/Paul Lecorre); Brilliant Mistake, Elvis Costello; Like A Rolling Stone, Bob Dylan.
10.80 - Faut pas s'en faire avec ça, Pierre Létourneau (P. Létourneau/ Germain Gauthier); Aimes-tu la vie comme moi, Boule Noire (Georges Thurston); La ballade des gens heureux, Gérard Lenorman [Pierre Delanoë/G. Lenorman); Hey Jude, The Beatles (Lennon/McCartney); All You Need Is Love, The Beatles (Lennon/McCartney).
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