Soumis par Pierre le 1 juillet, 2020 - 22:20.
« Si tu veux devenir un grand auteur, tu dois apprendre à écrire quelques poèmes d'amour décents. » Charles Bukowski, How to become a great writer (1)
La vie et l'amour sont des thématiques indissociables, c'est d'une évidence. Vivre en amour, Pour vivre ensemble il faut savoir aimer, Aimes-tu la vie comme moi, ou encore les Love Alive, Love is alive ou We Live For Love sont pour la plupart autant des titres de chansons à succès que des états d'âme fondamentaux, en dépit des tournures convenues à la « Aimer la vie » que cela peut donner parfois, mais bon. Même Aznavour a pondu un Je t'aime, titre à la fois convenu mais fondamental à la vie, [c'est à la fois bête et banal], comme l'admet le grand Charles.
On peut recevoir cela de manière blasée, comme on peut conclure que la vie et l'amour sont des sujets qui parlent aux gens, du moment que le sentiment soit sincère et avec simplicité, peu importe si cliché il y a. N'empêche, j'aime bien quand il y a une belle trouvaille au bout de la ligne...
L'amour, ma thématique (2)
Bien entendu, l'amour s'impose comme étant LE thème hyper dominant en chanson. L'amour romantique, hyperbolique et éternel, celui qui durera toujours, vient tout de suite à l'esprit : And I Love Her, Love Will Keep Us Together, Femmes je vous aime, J'aime les filles, etc. Les femmes sont fréquemment l'objet du désir amoureux, celui-ci fût-il provenant d'un homme, ou d'une femme.
L'amour romantique débute, en principe, par le flirt et la séduction : Pour un flirt, J'ai rencontré l'homme de ma vie, Il me dit que je suis belle. C'est l'essentiel du propos de Aux Champs-Élysées, ou encore de Fooled Around and Fell in Love. Parfois le flirt vire au drame, comme dans Trousse-Chemise.
L'amour devient vite torride, passionnel et sexuel : Love to Love You Baby, Déshabillez-moi, Light My Fire. Le feu, cette métaphore par excellence de la passion amoureuse et sexuelle, est omniprésente avec ses Fire de toutes sortes. Hélas, la passion débouche assurément sur les éteignoirs tel la routine, le désabusement, la tentation, la jalousie, la tromperie, la rupture, pour aboutir au désamour. [Les histoires d'amour finissent mal, en général], comme ont déjà statué les Rita Mitsouko...
Au fil de mes recherches, j'ai repéré des angles sur l'amour (et bien d'autres) que j'ai regroupé en thématiques larges. On ne devrait pas les voir comme étant des vases clos, mais bien comme des vases communicants et fluides, déteignants les uns sur les autres, librement.
1 - How to become a great writer, Love is a dog from hell, Black Sparrow Press
2 - M, Le Baptême, 1997, Virgin France
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Soumis par Pierre le 3 juillet, 2020 - 22:50.
Ne serait-ce que par sa pérennité, Parlez-moi d'amour figure au sommet des grandes chansons d'amour. Créée par Jean Lenoir en 1924, elle a été traduite en 37 langues et a berçé les oreilles de toutes les générations depuis 1930, année où elle fut d'abord endisquée en 1930 par Lucienne Boyer, et par des pointures vocales légendaires depuis, dont Juliette Gréco, Piaf et Dalida.
La chanson ouvre par le refrain en donnant le titre d'entrée de jeu. C'est la partie forte, le hook. Les couplets nous ramènent à un discours où l'interprète n'est pas dupe et fait la part des choses. La réalité peut être [amère], et cela donne le contraste attendu avec le refrain. Chaque ligne compte et propose le nécessaire pour faire avancer le texte. La candeur de la formulation peut faire sourire de nos jours, mais sa vérité est intacte.
L'acte de communiquer sur le sujet de l'amour est une équation thématique chansonnière très fréquente. Dire, chanter, commenter ou appeler à l'aide sont des fonctions essentielles pour se parler d'amour, de liberté, d'émancipation et de bonheur. La formulation de se « parler d'amour » est une pierre fondatrice dans l'édifice des chansons le chantant.
Parlez-moi un peu d'amour (Gilles Vigneault / Gaston Rochon) reprend cette idée sous la forme d'une litote. Titre à l'apparence modeste, le texte de M. Vigneault y va d'une délicate attaque : [J’arrive à toi de partout / C’est de ta peau qu’il fait doux / C’est de ton souffle qu’il vente]. Si le morceau paraît vieillot au début, l'arrangement musical se déploie réellement dans la deuxième moitié du morceau. La répétition des [Parlez-moi] par le choeur dans le refrain crée un effet de renforcement de l'appel de l'intimité souhaité.
Speak Softly Love, la chanson thème de The Godfather raconte une histoire d'amour, mais aussi de vœux plus profonds, qui se murmurent dans une intimité où la vie, l'amour et la mort forment un trio coulé dans les liens du sang. Le texte signé Larry Kusic recèle de pépites comme les [Wine-colored days, warmed by the sun / Deep velvet nights, when we are one], ou encore [The vows of love we make will live until we die].
Parle plus bas, sa version française, n'est pas piquée des vers non plus. Signée Boris Bergman et interprétée par Dalida, elle aborde davantage le thème de l'amour fou, celui de tous les excès, et de l'incompréhension que cela suscite inévitablement quand ça dérape : [Le monde n'est pas prêt pour tes paroles tendres ] (…) [Tu sais très bien qu'il ne voudrait jamais comprendre], pour conclure : [Tu sais très bien que nous ne pouvons rien attendre / De ceux qui ont fait des chansons / Sans un "je t'aime" où l'amour rime avec raison]. De fort calibre.
Parlez-moi de lui
Une variante sur le thème, Parlez-moi de lui prend le chemin à sens inverse de deux façons, soit par le biais de la rupture et de l'éloignement, mais aussi par interlocuteur interposé. Le texte est en fait le long questionnement d'une amoureuse esseulée et cherchant des réponses dans son entourage. Lancé par Dalida d'abord en 1966, Françoise Hardy en a fait un de ses grands succès deux années plus tard. Chapeau à Jack Dieval et Michel Rivgauche. La livraison vocale de Mme Hardy est bouleversante de retenue.
Curieusement, en 1973, moins de dix ans plus tard, une autre Parlez-moi de lui est lancée par Nicole Croisille, qui a aussi beaucoup tourné. Créée par Hubert Giraud et Jean-Pierre Lang, le texte relève du même genre de questionnement par celle restée derrière, mais prend une tournure différente, celui de l'amoureuse affirmative de son amour, accompagnée sans relâche du choeur qui la relance ponctuellement : [Il ne pense qu'à toi], qui devient pratiquement un titre entre parenthèses.
Le texte est riche en détails, le ton est volontaire, la tonalité en mineur devient groove langoureux, l'interprète est plus que convaincante, bref... Ça donne un titre vigoureux, à la fois similaire et différente de l'autre, comme peuvent l'être un frère et une sœur. Tout ça pour dire qu'il y a toujours moyen de faire sien une bonne idée qui flotte dans l'air du temps...
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Soumis par Pierre le 6 juillet, 2020 - 17:37.
Ah! Ce besoin d'avoir quelqu'un à aimer dans sa vie, il est viscéral et insatiable en chacun de nous. Encore une fois, c'est un besoin humain fondamental qui s'exprime, et c'est un vaste sujet. La formule anglophone Somebody to love a eu beaucoup de succès depuis les années 60, le site Secondhandsongs recense pas moins de 15 chansons impliquant cette combinaison de mots et d'auteurs différents depuis celle remontant à Bobby Darin en 1960, à la plus récente venant de One Republic en 2019.
Le besoin est simple, simplement énoncé, et la quête est claire : trouver l'amour dans une relation stable avec une bonne personne, pour y poser ses valises. La motivation est là : [Won't you send me a good, good girl to spend her life with me]. Voilà, c'est clair, c'est dit. Ça ne tourne pas autour du pot.
Le groupe californien Jefferson Airplane a créé sa propre version de Somebody to Love (qui a d'abord porté le nom de Someone to Love ) et qui fut son premier hit en 1967. Le texte se montrait critique des amitiés hypocrites en cet été de l'amour libre. N'aimerais-tu pas avoir une seule personne à aimer quand la vérité s'avère mensonge...? N'est-ce pas..?
La même année, Ginette Reno la reprend en français sous le titre de Quelqu'un à aimer, une adaptation signée Gilles Brown. On est environ deux ans avant Les croissants de soleil. C'était de coutume encore de traduire les succès américains ou anglais qui avaient la cote, en ces quelques mois pré-Lindbergh. L'arrangement musical est fidèle à l'originale, incluant la guitare fuzz à la Jorma Kaukonen.
Toujours en '67, The Bee Gees ont lancé leur carrière en inversant la formule dans leur succès To Love Somebody, titre écrit en hommage à leur imprésario Robert Stigwood, personnage bien en vue de la communauté homosexuelle londonienne de l'époque et fondateur de RSO Records. L'intention première des frères Gibbs était de la faire chanter par Otis Redding, mais celui-ci est décédé avant de pouvoir l'endisquer. Le morceau parle de solitude et d'impuissance amoureuse en rongeant son frein : [You don't know what it's like / to love somebody the way I love you].
Le besoin d'amour est tellement grand dans Somebody to love de Queen qu'il semble provenir du plus profond de l'âme de Freddie Mercury. Du grand gospel, l'âme en peine incarnée par Mercury implore Dieu et lui demande pourquoi, en dépit de son dur labeur et des travers qu'il croise, ne trouve-t-il pas quelqu'un à aimer, sans distinction de genre ou de race, peu importe. En guise de dénouement émotionnel et permettre de relacher la vapeur, le chanteur clame à la Terre entière qu'il ne baissera pas les bras et continuera de chercher, chercher quelqu'un à aimer...
Quelqu'un comme toi
En français, la combinaison des mots [Quelqu'un] et [Aimer] est peu utilisée, contrairement aux 15 anglophones dont j'ai parlé plus haut. Mais cela n'empêche en rien d'autres combinaisons amoureuses de survenir avec « quelqu'un » dans le titre.
Quelqu'un comme toi, par l'exquise Liane Foly en est un excellent exemple, l'amour étant ici sous-entendu, bien sûr. [Quelqu'un comme toi / Ca faisait si longtemps, crois-moi / Que j'attendais quelqu'un comme toi / Comme toi ]. Avoir attendu [si longtemps] ajoute du poids à son argument, renforcé par une répétition convaincue de [comme toi]. L'attente pèse lourd dans la motivation des uns envers les autres...
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Soumis par Pierre le 8 juillet, 2020 - 16:35.
À l'imprécis « quelqu'un », opposons l'inclusif « tout le monde ». Voyons voir. La locution « tout le monde » figure certainement parmi les formules les plus rassembleuses en chanson. C'est généreux, ça n'oublie personne, et ça fait lever des bras qui font la vague en spectacle. À lui seul, le mot-clé « everybody » sur secondhandsongs.com génère 9 entrées différentes entre 1963 et 2010, si je m'en tiens à ce seul mot.
Everybody loves somebody sometimes, écrite pour Sinatra mais lancée par Peggy Lee en 1947, s'est révélée être parmi les grands succès de Dean Martin en 1964, en pleine Beatlemania. Pour mettre ce succès particulier en perspective, disons simplement que c'est ce titre qui a délogé A Hard Day's Night de sa position de #1 au palmarès après trois semaines, ce qui n'est quand même pas banal. Standard de jazz AABA typique, mais aussi chanson romantique qui va de l'hyperbolique et général [Everybody loves somebody sometimes] à l'intime [My sometime is now]. Somptueux.
Pour la recherche, j'ai ajouté les verbes « needs », « wants » et « loves » sur Youtube, pour obtenir la vibrante Everybody Needs Somebody to Love de Solomon Burke, qui scande le besoin d'aimer et d'être aimé dans une longue tirade blues uptempo, un cri du coeur d'un homme en manque d'amour vrai, de celle à qui il retourne toujours, sa femme. Les Rolling Stones l'ont chanté tout au long de leur carrière.
Dans ce clip, c'est la version Blues Brothers tirée de leur film de 1980 qu'on y entend. Avec les mojos combinés de John Belushi et Dan Ackroyd en hommes en noir, tout le monde embarque, le party lève! I need you, you you...
Everybody Wants You de Billy Squier, et Everybody Loves You de Charlotte Lawrence, sont aussi à verser au dossier. La première utilise la deuxième personne, un « you » général répétitif voire redondant, dans un texte qui traîne en longueur, m'a-t-il semblé.
La seconde est plus intéressante en ce qu'elle représente une histoire d'agression sexuelle d'une femme perturbée par son expérience, avec des émotions conflictuelles, et qui s'affirme néanmoins. Forte.
Et il y a encore celui que l'amour élude dans Y'a du monde qui s'aime de Zébulon, mais qui le cherche néanmoins au bar, dans une routine de rencontre amoureuse vouée à l'échec plus souvent qu'autrement : [Tout seul encore à siroter dans un bar], et établit devant nos yeux une classique histoire de loser: [Y a la plus belle fille du monde qui vient d'entrer (...) le waiter l'a déjà spottée].
L'ambiance blues et feutrée est parfaitement en phase avec le propos, le développement se déroule de manière linéaire, chaque ligne en préparant une autre; et ça monte comme ça jusqu'au punch final, avec une ironie mordante, tout à fait dans l'esprit de Knokke-Le-Zoute tango de Brel quand il rentre bredouille, [la bite sous le bras]...
Je laisse le mot de la fin aux sardoniques Stranglers qui, de leur humour sarcastique, ont résumé une fatalité de la vie avec le titre Everybody Loves You When You're Dead. Chanson caustique parue en '1981, à peine un an après la mort de John Lennon, elle porte en partie sur la réaction médiatique qui a suivi la mort de John Lennon, mais aussi sur les tensions que le groupe entretenait avec une certaine presse anglaise, notamment à la ligne [Doesn't matter what you try to hide / The Sun comes up and then the truth is read], The Sun étant le journal. Une pointe bien sentie venant d'un groupe qui a eu sa part de controverses en carrière.
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Soumis par Pierre le 14 juillet, 2020 - 18:19.
L'amour demande des préliminaires, pour bien faire les choses. Faire la cour, chercher à séduire, se sentir désiré est un sujet de chanson inépuisable. Qui n'a pas déjà chanté la pomme pour démontrer un intérêt envers autrui et espéré une réciprocité? Et encore, faut-il qu'il y ait un désir, une étincelle à la base de tout pour espérer produire le feu d'artifice tant souhaité...
Mine de rien, avec tendresse et le ton badin, Michel Delpech a bousculé la chanson pop française de 1971. Il a réintroduit le mot « flirt » en France, un terme devenu désuet; il a pondu le tube de l'été '71, vendu un million d'exemplaires, et est devenu une grande vedette. « Ça lui permettra d’imposer ensuite " Les Divorcés ". », chanson qui jouera un rôle dans la modernisation de la loi sur le divorce en France.
Un peu comme Delpech à la même époque, Véronique Sanson impose un nouveau son pop aux Français, d'une voix qui lui appartient en propre. Timbre vocal délicat à la Barbara, vibrato unique, elle tisse des mélodies envoûtantes et crée une vibe musicale sophistiquée et authentique. Excellente pianiste, elle fait sa place dans les années où la compétition dans la pop music est très relevée avec les Elton John, Carole King, David Bowie et autres Three Dog Night du temps.
Ici, elle évoque l'idéal amoureux d'une femme qui sait exactement où elle s'en va, et avec qui - notamment Stephen Stills qui correspond au profil dépeint - sur un rythme volontaire et assumé. La forme est intéressante : c'est une AAAB, c'est-à-dire qu'elle est construite de 3 couplets de 4 mesures (AAA), suivis d'un pont de 7 mesures (B). Reprise immédiate de ce bloc et conclusion avec deux derniers 'A', et le tour est joué.
Ce bijou de Geneviève Paris a fait partie du corpus de chansons dans mes ateliers de formation dès les touts débuts, et il a perduré jusqu'aux derniers que j'ai eu la chance d'animer. Dans une soirée mondaine où il y a de la fumée, du bruit et des invités, une admiratrice transie d'une autre l'observe, tout en réserve. Le déroulement linéaire est impeccable et la chute tombe à point nommé. Une affaire de coeur entre [Je] et [Tu].
Une autre chanson d'amour transi, quand le désir ne sait pas ou n'ose pas s'exprimer, ou encore n'est pas réciproque, comme c'est le cas ici. La personne désirée a beau être une bonne amie, elle semble en même temps si loin : [so close, so close and yet so far]. Le titre utilise le procédé de la métonymie, en l'occurence les yeux pour la personne, pour ramasser, en une phrase, une touchante histoire d'amour de jeunesse qui n'aura, finalement, jamais été.
Un homme a une crevaison à bicyclette, se demandant ce qu'il était pour devenir; un autre qui se propose pour le dépanner de sa « charmante » voiture : This Charming Man de The Smiths, était rafraichissante en 1983, et l'est restée. Propulsée par le riff pétillant de Johnny Marr, Morrissey peint une histoire de flirt entre deux hommes : [Punctured bicycle on a hillside desolate], autrement dit « Une crevaison au milieu de nul part », quand surgit [in this charming car / This charming man]. Morrissey, très inspiré par Oscar Wilde, écrivait des histoires de jeunes désoeuvrés, straights ou gays, peu importe : sa plume reflétait la vie, le jeune public s'est reconnu, et il a acheté. This Charming Man a monté jusqu'en huitième position du palmarès anglais, et elle n'a rien perdu de son... charme.
Celle-ci a été écrite à huit mains en s'inspirant des histoires amoureuses de l'interprète Jennifer Paige, et s'est hissée en troisième position du palmarès américain en 1998. Les attentes affectives (très minimes) sont sobrement, mais clairement établies: on flirt, mais on garde la tête froide.
Le texte creuse le même sillon, désamorçant les attentes dans les couplets, minimisant la chose [It's just a little crush] dans le refrain : « c'est pas grand chose, ne t'amouraches pas ». L'interprète garde les pieds bien sur terre et retourne les illusions amoureuses à l'autre. La prise de position est forte, fluide, simplement énoncée et elle a le mérite de donner l'heure juste. Authentique.
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Soumis par Pierre le 11 août, 2020 - 17:33.
L'amour et le couple vont main dans la main, pour ainsi dire. Le flirt débouche sur du sérieux; la romance s'installe, ainsi qu'une certaine exclusivité. C'est la lune de miel, les rapprochements sont des plus intimes, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais d'obstacles, ou de doutes, en cours de route...
L'amour à deux, chanté par Vanessa Paradis et écrite par Serge Gainsbourg et Franck Langolff, illustre bien toute l'équation amoureuse de base : [L'amour ça s'fait à deux / Bien fait c'est du feu de Dieu]. Le texte évoque une relation amoureuse qui se cherche, mais dont l'ardeur ne se dément pas : [Mais qu'as-tu fait de moi / Je ne sais pas].
C'est un blues lancinant et torride, dont les paroles se débitent lentement sur 6 couplets de 16 mesures, et qui est doté d'une ligne de force qui résume tout dans un refrain béton : [L'amour à deux / C'est quand tu veux]. Le dernier couplet place les billes vers la sortie en ajoutant, par un enjeu, une tension dramatique : [Sois affectueux / Tu peux / Il n'y a pas que le physique / Sinon adieu nous deux].
Un grand cri d'amour coulé dans le blues. Ce grand classique de 1966 arrache le cœur par la sincérité du chanteur qui met ses proverbiales tripes sur la table pour celle qu'il aime. Ne vous fiez pas à sa leçon de morale amoureuse détachée, à la troisième personne, quand un homme aime une femme. Le pont, mais aussi la chute prennent grand soin de préciser que l'homme et la femme dont il est question dans la chanson, c'est bien du chanteur et de son amoureuse.
À noter que le titre fut d'abord le victimisant Why Did You Leave Me Baby; When A Man Loves A Woman, est nettement plus inspirant, plus imagé et prometteur. Sa progression harmonique particulière inspira, semble-t-il, A Whiter Shade of Pale.
Les amants de cœur (The Lovers)
Une adaptation fidèle par Jacques Brel de The Lovers de Rod McKuen, cette traduction refète tout à fait l'état d'impermanence du couple appelé à être, avant de disparaître et de renaître ailleurs. La répétition des [s'aiment, s'aiment], symétriques tout au long du morceau crée un effet de renforcement qui illustre la passion amoureuse des débuts. La structure de cette AAA est constituée de cinq couplets de 18 mesures - dont le premier et le dernier sont similaires - pour dépeindre le cycle relationnel qui anime ces amoureux de l'amour. Brel se l'approprie totalement.
L'amour au temps de la guerre froide, Ils s'aiment reflète parfaitement cette époque du tournant des années '70/'80, avec une esthétique à la Heroes de Bowie, partageant cette même angoisse en plus d'une palette sonore alors à la mode. Sa structure complexe et raffinée est celle d'une AABA qui incorpore une partie C de huit mesures, qui joue davantage le rôle d'un pont – en dévoilant le sous-texte - que d'un refrain. The Police utilisera cette structure dans Every Breath You Take, même pas deux ans plus tard.
Ce soir l'amour est dans tes yeux
L'amour romantique doublé d'une pointe d'angoisse : [Ce soir l'amour est dans tes yeux / Mais demain matin m'aimeras-tu un peu?]. Les couplets sont consacrés aux doutes et à l'expression d'attentes appréhendant la déception, et débouchent sur un refrain dont la ligne de force place l'enjeu et motive la chanson tout de go. Ce morceau de Claude-Michel Schonberg fut un énorme succès pour Martine St-Clair en 1985, et Louis-Jean Cormier l'a repris avec une belle sobriété.
Jeu de mots qui mixe la vie, l'amour et la mort et qui est d'une telle évidence, mais personne n'y avait songé jusque là. Cette acidulée À la vie, à l'amour de Jacques Dutronc, paroles de Jacques Lanzmann, est tout simplement suave. Acidulée parce qu'un parfum de scandale s'en dégage en parlant de [mourir dans ton lit / non pas de pleurésie / mais mourir assouvi / de tes cajoleries]; d'[Amour, le doux trépas dans tes bras]. Cela uniquement [pour ton plaisir], [Et quand on m'enterrera / non pas d'Alléluia / mais le Kamasutra]. Être deux à la vie, à l'amour et à la mort, avec l'élégance et le cool de Dutronc, c'est du [feu de Dieu], du vrai.
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Soumis par Pierre le 6 septembre, 2020 - 16:54.
Variations sur le même t'aime, sublime calembour, est le titre du deuxième album de Vanessa Paradis, entièrement signé Serge Gainsbourg et Franck Langolff, et qui paru en 1990. C'est un florilège de chanson sur le « t'aime » comme seul Gainsbourg savait le faire. Semble-t-il que la production ne fut pas de la tarte : « Paradis, c'est l'enfer » est une réplique devenue célèbre de sa part. Cet album est aussi l'ultime que Gainsbourg n'ait jamais écrit, en moins d'une semaine pour ce qui est des textes. On peut dire qu'il est parti égal à lui-même, au sommet de son art.
Dis-lui toi que je t'aime, la piste sur l'album qui suit L'amour à deux, est un bijou de délicatesse et d'empathie envers l'amoureux largué, doublé d'un sentiment de culpabilité et d'un désir de fuir ses responsabilités. On peut aussi y lire la volonté d'assumer un choix du cœur, au détriment de celui d'un autre. Les trois pronoms singuliers figurent dès la première ligne : [Dis-[lui] [toi] que [je] t'aime] est une formule accrocheuse qui occasionne une surprise, motive le titre et lui donne une tournure un brin perverse.
Le champ lexical est branché sur les mots-clés de l'époque, la prosodie est parfaite, la simplicité sonore (majoritairement des mots d'une seule syllabe) favorise un débit lent et introspectif face à la situation. Les labiales [m] comme dans [aime/IBM/FM], ajoutées au phonème [oi] pour les [moi/émoi/des mois/vois] ajoutent de la musicalité au texte et produisent des perles comme [Entre toi et moi je vois l'émoi] ou [Combien de mois d'émoi cela va durer].
La forme est une AABA atypique, en ce sens qu'elle débute par deux couplets (A) de 8 mesures sur la progression [F/Dm/Bb/Gm]; le titre débute tous les couplets, avec symétrie, pour tout le morceau. S'en suit une longue section (B) de 28 mesures (1:08) en Do, la quinte du Fa des couplets, et fait office de (long) pont en proposant une perspective divergente alors que l'interprète ouvre son coeur. Cette section de 68 secondes débute dès la première minute entamée (1:02)*, d'où l'aspect atypique de la forme alors qu'un pont se pointe dans la deuxième moitié d'un morceau, souvent rendu aux deux tiers, habituellement. Quatre couplets (A) termineront la chanson, ajoutant du pathos à l'affaire : [Bien sûr on en revient toujours au même thème insoluble c'est vrai / C'est toi que j'aime pour de vrai].
*Si on avait eu une forme « couplet/refrain », c'eut été un refrain qui débuterait à cet instant. Sauf que ce n'est pas le cas. C'est une AABA(-AAA).
L'amour est souffrant quand il change de main. C'est avec le trémolo dans la voix que Charles Aznavour nous le confirme dans Et moi dans mon coin en peignant la douleur d'assister à la fin de sa propre relation, impuissant. Tout se passe dans les regards et les pronoms, ici aussi : [Lui, il t'observe, du coin de l'oeil (…) Toi, tu te laisses prendre à son jeu]. Les pronoms flirtent, tournoient l'un autour de l'autre avec symétrie, et laissent en plan le [je] de l'interprète : [Et moi, dans mon coin, je ronge mon frein / En voyant venir, la fin]. Aznavour, le maître es mélancolie.
Toi & moi & elle est une autre histoire de triangle et de pronoms. Mais c'est plus sournois cette fois, sous la forme d'insinuations et de ouï dire : [Tu verrais la vie d'un œil noir (…) Elle me dit qu'elle le sait / Tu lui aurais parlé en vrai / Elle m'a fait douter]. Une rivale qui zieute le mec d'une autre et manigance en fonction de l'obtenir est un classique du genre. On sent la vulnérabilité de l'interprète, et en même temps la confiance qu'elle a en elle-même et en son jugement : [Elle me dit que t'es pas pour moi / Mais oui! c'est ça / Qui ne lui va pas / C'est ma gueule qu'elle aime pas / Car elle te veut celle-là / Mais elle t'aura pas]. Point.
Soumis par Pierre le 6 septembre, 2020 - 16:54.
« Trop de cuisiniers gâtent la sauce » dit le proverbe. Ça prenait Willie Dixon pour renouveler l'adage en y injectant un double sens amoureux - et territorial – à l'aide d'une efficace métaphore filée dans Too many cooks (are gonna spoil the stew). Le thème du triangle amoureux est récurrent en chanson, inspiré par tant d'histoires d'amour qui « finissent mal en général ».
Dixon, légendaire bluesman qui a contribué à façonner le blues, le rock 'n roll et le rock de l'après-Guerre, maniait le double sens de main de maître, et brode sa métaphore autour du thème de la cuisine, là où la scène se matérialise. Le « rival » comme thème de chanson n'est pas rare; c'est la menace au couple par excellence, et une source d'inspiration (douloureusement) inépuisable.
« À deux c'est mieux, et à trois on est à l'étroit » résumerait bien Getting Mighty Crowded, écrite par Van McCoy (The Hustle) et endisquée d'abord par Bettie Edwards en 1964. Un petit chef-d'oeuvre méconnu bien tourné par une habile métaphore filée autour du thème du cœur/domicile et de s'y sentir à l'étroit par l'apparition d'une rivale dans son décor : [I'm packing up my memories / And I'm gonna move / On out of your heart], littéralement « je me ramasse et je déménage hors de ton coeur ».
Le développement est habilement mené. Le champ lexical tourne autour du cœur comme métaphore du nid douillet, celui que l'on quitte pour s'en trouver un meilleur ailleurs : [Find myself another heart / where I can live all by myself / Gonna find myself a heart / I don't have to share with nobody else]. Même le voisinage y passe : [sticking around this neighborhood / is just no good]. Décidément, le triangle amoureux n'a pas la cote. La version vitaminée d'Elvis Costello est parue en 1980.
D'un Elvis à l'autre, Suspicious Minds, de Mark James, est le dernier no. 1 d'Elvis Presley en date du mois d'août 1969. Produite dans la période suivant son « '68 Comeback Special », cette chanson proposait un ton plus mature pour Presley en décrivant la sensation d'être pris au piège dans une relation dysfonctionnelle, et du besoin de nommer clairement la situation : [We can't go on together / with suspicious minds]. On ne peut rien construire dans la méfiance.
La forme Couplet/Refrain/Pont (CRP) se trouve à être la structure idéale pour le message véhiculé : elle utilise les couplets pour les détails de l'histoire; sa ligne de force – qui inclut le titre – justifie le refrain pour imager le dilemme, tout en offrant un contraste avec le pont qui apparait à 1:49. Toutes les sections sont de 8 mesures et en 4/4, sauf le pont joué en 6/8 et qui fait 12 mesures.
Curieusement, le refrain ne revient plus du tout après le pont, et c'est le premier couplet qui roule en boucle : [We're caught in a trap / I can't walk out] en guise de coda, qui roule jusqu'à la fin, comme un cercle vicieux. Notez le faux fade out à 3:36, le fruit d'un producteur contrarié qui s'est emmêlé dans ses pinceaux en se mêlant d'un produit déjà fini. Ça n'a pas empêché le King de retrouver son trône, au sommet des palmarès, pour une dernière fois.
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Soumis par Pierre le 21 octobre, 2020 - 19:45.
Le flirt et le désir culminent, logiquement, en une fusion amoureuse, sensuelle et sexuelle, et le passage à l'acte devient l'aboutissement, la réalisation ultime : faire l'amour. La chanson de séduction osée, sensuelle, torride ou carrément érotique a eu ses moments palpitants au fil des décennies, et vient souvent accompagnée d'un parfum de scandale : rien comme un interdit pour faire mousser les ventes...
I Just Want to Make Love to You
Cri du coeur primal, ce lancinant blues de Willie Dixon et lancé par Muddy Waters en mai '54 s'est hissé jusqu'à la quatrième position du palmarès R&B. Cet immense classique a depuis été repris par plus d'une centaine de rockers, bluesmen/women comme les Etta James, Chuck Berry, B.B. King, Rolling Stones, Yardbirds, Rod Stewart, Foghat, et des dizaines d'autres grands noms (dont la québécoise Térez Montcalm en 1994), et ce année après année depuis, jusqu'à 2020.
Sa forme AABA est composée de 4 sections de 8 mesures où tous les couplets énumèrent, par la négative, ce dont l'intreprète ne veut pas : [I don't want you to be no slave / I don't want you to work all day...], trois lignes consécutives ainsi, symétriquement, à chaque couplet. En fait, l'interprète ne demande rien d'autre à sa partenaire que de lui faire l'amour, sans aucune attente ni attache en retour, d'ailleurs. La belle affaire!
La ligne de force, [I Just Want to Make Love to You], incarne la chanson et s'impose à la fin de chaque A, en plantant le titre solidement dans l'oreille, en guise de résolution logique et émotionnelle au couplet. Celui-ci est répété le plus souvent possible, jusqu'au solo d'harmonica à fendre l'âme de Little Walter qui prend le relais. Debussy a déjà dit que la musique était le silence entre les notes; ce solo en est un exemple parfait.
Le titre est coquin et osé, la proposition est séduisante, à la fois fine et salace. La femme dicte la marche à suivre, ce qui donne le beau rôle à l'interprète. Il faut voir Gréco la vivre sur scène, où le désir, l'humour et une certaine grivoiserie s'entremêlent. Le texte de Robert Nyel (musique de Gaby Verlor) fut d'abord créé pour une effeuilleuse dont Nyel était amoureux. C'est suite à leur séparation que la chanson s'est retrouvée du côté de Juliette Gréco, qui ajouta son grain de sel en guise de point d'orgue, à la chute. Ce qui n'empêcha pas le titre d'être interdit de diffusion par divers médias français, avant de devenir le seul succès radio de Gréco en 1968. Rien comme la censure pour faire d'une proposition osée, un hit.
LA chanson érotique par excellence, elle est certainement parmi les plus sulfureuses de Gainsbourg. D'abord écrite pour Brigitte Bardot en décembre '67, elle fut diffusée une seule et unique fois sur Europe 1 au lendemain de son enregistrement. Le mari de Mme Bardot, l'industriel allemand Gunter Sachs menaçant de poursuivre, il n'y eut ni autre diffusion, ni autre chanson de Gainsbourg avec Brigitte. Le titre se retrouve sur la touche, provisoirement.
Avance rapide en février 1969. Gainsbourg vient de faire rebelote avec Jane Birkin, et cette fois, c'est le Vatican qui s'en mêle, qualifiant la chanson d' « obscène ». L'Italie, l'Espagne et la Suède l'interdisent. La BBC fera de même, ce qui, incidemment, propulsera la chanson au no. 1 du palmarès britannique, devenant du coup la première chanson française à réussir cet exploit. À la question « Quel est le meilleur agent de publicité ? », Gainsbourg répond : « Sans conteste le Vatican ».
La progression harmonique et l'arrangement doivent beaucoup à A Whiter Shade of Pale de Procol Harum paru une paire d'années plus tôt : l'enveloppe sonore, le tempo, le thème joué à l'orgue et la structure harmonique I-IV-V. La basse langoureuse, jouée au pick, rappelle le son du bassiste des Who, John Entwistle, à l'époque de Tommy; un son rock très à la mode en Grande-Bretagne alors, là où s'abreuve Gainsbourg, anglophile.
Le titre est emprunté à une boutade attribuée à Salvador Dali : « Picasso est Espagnol, moi aussi. Picasso est un génie, moi aussi. Picasso est communiste, moi non plus. » Le détournement de sens en substituant une répétition attendue par une négation sortie de nul part crée l'effet de surprise, et désarçonne.
T'es mon amour, t'es ma maîtresse
La réplique québécoise est arrivée en 1974 avec cet hymne à l'émancipation sexuelle et fit scandale, sans être interdite d'ondes toutefois, à ma connaissance. Interprétée par Jean-Pierre Ferland sur Les vierges du Québec, la version la plus connue demeure celle en duo avec Ginette Reno et qui fit un tabac en 1975, année internationale de la Femme.
Sa structure en est une hybride. Elle ouvre par 2 couplets de 8 mesures harmoniquement identiques (AA), complétée par un autre bloc de 16 mesures, qui fait office de pont en livrant un angle inédit jusqu'ici, soit [Une bonne fois / si tu veux...], qui devient la partie B. Cela donne une forme AAB, soit un bloc de 32 mesures au total, répété 3 fois pour créer la chanson. Des notes tenues, beaucoup de langueur, et une basse à la Gainsbourg qui tombe sur les premiers temps de chaque mesure.
Incidemment, c'est inspiré par « Je t'aime, moi non plus » que Donna Summer demanda à Giorgio Moroder de lui faire sa propre « chanson d'amour ». Moroder savait que le brûlot de Gainsbourg continuait de vendre au Royaume-Uni. C'est Summer qui a conçu la ligne [Love to love you], devenue [Love to love you baby]. La chanson est structurée en 3 couplets de 9 mesures, ce qui donne, au final, une forme « AAA ».
Chaque couplet ouvre avec le titre, répété 4 fois sur les 6 premières mesures, et se termine par deux lignes, différentes à chaque couplet et qui tournent toujours autour du même « pot ». Ce morceau fait la démonstration d'une chanson où se mélange habilement la répétition, la nouveauté, mais aussi l'économie de mots : elle totalise 7 lignes, titre inclus. Less is more.
C'est pas physique, c'est électrique
Celle-ci est typique de la production du milieu des années 80, tant au niveau du texte que des arrangements et qui ont mal vieilli. Un titre « électrisant » de Claude Péloquin sur une musique vitaminée de Robert Charlebois, elle ouvrait l'album Super Position, paru en 1985. C'est le gros single de l'album, de par sa construction dynamique et efficace, son titre matraqué sans relâche dans un refrain-canon qui va cartonner live, sans parler de la production, elle avait tous les atouts pour réussir. C'est exactement ce qu'elle a fait; elle s'est rendue jusqu'au sommet du du palmarès de la même année. Son refrain n'a qu'une seule ligne, mais quelle ligne!
Toutefois, avec du recul, force est d'admettre que ce morceau n'a pas laissé de souvenirs impérissables à la Lindberg dans l'imaginaire québécois. Le texte, hélas, est convenu pour le talent d'un Péloquin. L'état d'âme est ludique et se veut sensuel, certes, mais l'écriture paraît lourde, le développement dans les couplets piétine, et la conclusion est énigmatique, pour dire le moins. Le schéma des rimes est inégal, voire inexistant.
Pas ma préférée des Pélo et Charlebois, qui, selon moi, ont semblé vouloir produire leur version de Physical d'Olivia Newton-John. Même genre d'ADN pétulante, même genre de sous-entendus plus ou moins voilés, même genre de couplets avec beaucoup de mots, très « écrits », qui débouchent sur un gros refrain à une ligne répétée à satiété, et qui va faire lever une salle de son siège pour s'époumoner. Et c'est pour ça qu'elle a été No. 1.
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Soumis par Pierre le 7 décembre, 2020 - 18:46.
Le besoin d'amour est grand en ce monde, de l'intime à l'universel, porteur de paix, d'empathie et de compassion, opposé à la haine, à l'oppression et à la guerre. Ce genre souhaite rassembler l'humanité autour d'un amour universel, égalitaire et infini. Ce sont des chansons souvent issues de conflits déteignants lourdement sur leur époque. On songe à la guerre d'indépendance de l'Algérie, à celle du Vietnam, celles en Amérique latine, et combien d'autres encore. Les angles humanistes invoqués sont ceux de la fraternité, de l'absolu, de la compassion et de la paix.
Quand les hommes vivront d'amour
Quand les hommes vivront d'amour est le parfait exemple de la chanson humaniste, pacifique et utopiste. Écrite par Raymond Lévesque à l'époque où la guerre de l'Algérie dominait les actualités, cet hymne à la paix figure parmi les chansons québécoises les plus connues au monde. Lévesque rêve à voix haute d'un monde meilleur qu'il appelle de tout ses vœux. Le hic? [Quand les hommes vivront d'amour (…) nous, nous serons morts mon frère].
De forme musicale AABA sur 32 mesures (le bloc est répété intégralement après modulation), le propos se développe une ligne à la fois pour construire un argument à la fois simple et profond, qui aboutit au pont - le B – et livre la morale de l'histoire : [Dans la grand' chaîne de la vie (…) Nous aurons eu la mauvaise partie]. L'auteur se veut philosophe et fait contre mauvaise fortune, bon cœur. C'est à la fois logique, émotionnel et profondément vrai.
Dans le rayon des grandes chansons humanistes, Imagine est difficile à surpasser. Il faut dire que John Lennon n'en était pas à son premier appel à l'amour universel : The Word, All you need is love, Across the universe, Give peace a chance, pour ne nommer qu'elles, sont dans l'imaginaire collectif mondial pour des décennies à venir.
Lennon était fasciné par l'art du slogan pour communiquer son message au plus grand nombre possible. Écrite sur une progression d'accords I-IV-V, sa tonalité en Do et son tempo lent prédisposent à l'écoute. Comme dans la pièce de Raymond Lévesque, le titre agit comme un résumé du synopsis et suggère immédiatement un monde meilleur, sans paradis ni enfer, que du ciel...
La forme est une AABA. Chaque couplet A fait 12 mesures, et les 8 premières en forment le cœur, avec le titre bien en évidence en ouverture, qui suggère, subversivement: [Imagine there's no heaven]. Le titre revient à la 9ème mesure, symétriquement, pour aller au bout de l'idée: [Imagine all the people living life in peace]. Les 4 dernières mesures préparent la montée IV-V pour un effet de crescendo, comme un pré-refrain prépare l'arrivée du refrain, avec un Sol7 en suspens.
De Sol7, on revient à la tonique Do - le point de départ de la gamme – avec l'impression de retomber sur nos pieds. Ce deuxième couplet A enchaîne et élabore sur l'utopie : pas de paradis, de pays ou de religion. Même progression harmonique qui débouche sur le pont attendu - le B - qui va compléter les couplets : Tu me diras que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul. Ce qui appelle un dernier retour d'un A, suivi d'une ultime section B pour conclure sur une note d'espoir : [I hope someday you'll join us / And the world will live as one].
Ce titre, signé Yvon Deschamps et Jacques Perron, est une autre grande chanson rassembleuse issue du Québec. C'est un appel à la fraternité humaine qui dépeint l'amour de mille manières avec ses multiples mises en contexte.
Sa structure musicale va ainsi : on a un premier bloc (A) de huit mesures, dans lesquels quatre accord (Fa-Sib-Solm7-Do7) occupent deux mesures, pour un total de 8 temps. S'ensuit un second bloc (B) de huit mesures dans lesquels chaque accord (Fa-Lam-Solm7-Do) durent une seule mesure plutôt que deux, créant du coup une dynamique musicale contrastante et alerte. On peut percevoir A et B comme un seul bloc totalisant 16 mesures (A+B), qui se répétera intégralement immédiatement pour se rendre à 32 mesures.
La partie (C) qui arrive alors conjugue l'amour à tous les pronoms : [Je t'aime, tu m'aimes, il l'aime...]. L'usage de pronoms en chanson est très répandu. On s'en sert tout le temps. Ici, l'exercice de la conjugaison épouse bien cette partie musicale qui, pareille à un pont, amène une diversion pour l'oreille en créant une montée musicale (Lab-Mi-Sol#m) d'une douzaine de mesures, avec une progression harmonique qui n'apparaitra qu'à cet endroit. L'auteur profite de l'opportunité pour se démarquer et accentuer l'effet de contraste de cette section, comme pour illustrer son universalité, si besoin était. La ligne : [Aimons-nous comme il se doit / resserrons l'étreinte qui nous étouffera de joie] assure une conclusion à la hauteur de l'intention de départ de l'auteur : [aimons-nous mon frère].
Soumis par Pierre le 7 décembre, 2020 - 18:46.
Quand on n'a que l'amour ouvre aussi avec le titre et développe autour de l'amour de façon conceptuelle, débutant par l'amour entre deux personnes [pour vivre nos promesses […] pour meubler de merveilles […] la laideur des faubourgs]. L'amour se fait altruiste afin de s'[offrir à ceux-là dont l'unique combat est de chercher le jour], et ratissera large en invoquant le destin [à chaque carrefour].
Un sentiment anti-militariste est souvent un carburant inhérent aux grandes chansons utopiques. Chaque époque traversée par un conflit d'ampleur semble avoir accouché d'une chanson utopique. L'angle anti-militariste apparaît ici au dernier couplet, lorsque l'[on n'a que l'amour pour parler aux canons […] pour convaincre un tambour]. Par une prose poétique à vous arracher le coeur, le propos décolle jusqu'à ce que, par la seule [force d'aimer, nous a[y]ons dans nos mains, amis, le monde entier]. Rien de moins.
Structuré en crescendo, ce morceau est constitué d'un premier bloc (A) de huit mesures sur lequel se déploie une progression d'accords I-VIm-IIm-V (Do-Am-Rém-Sol) se concluant sur un accord de dominante (V) Sol7, qui crée la tension désirée pour revenir à la tonique Do, l'équivalent de rentrer à la maison. C'est le propre d'une relation tonique-dominante.
Ce bloc (A2) se répétera identiquement, sauf pour aboutir cette fois sur un accord de Mi (au lieu du Sol7 précédent) qui s'étendra jusqu'au couplet suivant (A3) grâce à une habile substitution du Do par le Mi, qui ajoute une touche de gravitas, avant de retrouver la progression harmonique déjà établie. Ce troisième couplet de 8 mesures sera aussi doublé pour totaliser 16 mesures.
Le cinquième couplet, toujours de 8 mesures, ouvre cette fois sur un Lam - 6ème degré de la gamme de Do et, du coup, sa relative mineure – maintenu sur les 4 premières mesures. C'est un changement de couleur qui surprend l'oreille et ajoute une teinte dramatique. Les cinq couplets totalisent 40 mesures. Répétez et vous avez une chanson de 80 mesures minuté à 2:26. Doser l'amplitude de chaque couplet permet à Brel d'y aller avec toute la gomme pour terminer au sommet de l'émotion, sur le bout des pieds. C'est une dynamique qu'il appliquera aussi dans La quête, d'ailleurs.
L'amour devient injonction dans Aimer de Jean-Louis Murat : [Il faut aimer] avance-t-il, obligation intimée sensuellement, suivi là aussi de prose poétique. Il faut [choyer l'âme vagabonde] pour que [le corps vivant ce monde / vive heureux chaque seconde].
Love Song, endisqué par Elton John sur Tumbleweed Connection énumère ce que l'amour représente pour être authentique en relation : [L'amour est la porte d'entrée / L'amour est ce pourquoi nous sommes ici […] L'amour est la clé […] La vérité est la flamme […] La liberté est la leçon à en tirer […] ]. Comme il est dit en amorce : [Les mots que j'ai à dire / Ils sont simples, mais ils sont vrais].
C'est un tour de force que de tirer une pièce intéressante d'un titre aussi commun que Love Song. Sur Paroles.net, 34 appellations « Love Song » d'artistes différents apparaissent, uniquement pour ces deux seuls mots. Et le nombre 34 est un minimum de chansons répertoriées. J'en connais d'autres qui n'y figurent pas. Titre surutilisé.
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