Soumis par Pierre le 9 février, 2020 - 18:49.
« Le titre me frappe comme une balle; quand le titre apparaît, mon travail débute. » - Johnny Mercer 9.0
Parlez-en à Pierre Huet : «La phrase Mes blues passent pu dans porte m'est arrivée telle quelle comme un cadeau entre les deux oreilles. Je roulais en voiture en plein hiver et je me suis retourné vers ma fiancée pour la lui dire. Sans être prétentieux, je savais que j'avais une phrase en or. Il me restait juste à écrire les 30 autres lignes», raconte en rigolant le parolier Pierre Huet (...) »9.1
C'est à peu près cette version que M. Huet avait raconté à mon groupe qu'il avait accepté de rencontrer en 1992. La seule variante, c'est qu'il roulait sur le pont Jacques-Cartier et avait avec lui un magnétophone, selon mon souvenir. Mais bon. C'est en roulant en voiture qu'il a eu le flash. Et quel flash! Un trait de génie que tout parolier aurait voulu avoir. Est-ce parce que la partie créative du cerveau se libère une fois que notre attention est sollicitée ailleurs, pour mieux pétarader? Cela est probable. Peu importe la manière, lorsque l'inspiration déboule, l'important demeure de saisir le moment et de noter l'idée qui passe. C'est LE réflexe à acquérir.
À quoi sert un titre?
Fondamentalement, toute histoire porte un titre. Ça fait partie de son identité, sinon, comment la demander spécifiquement? À l'évidence, il s'agit d'un besoin humain que de cerner et de nommer, si c'est pour partager la communication avec autrui.
En ce qui a trait à la chanson, ce sont des raisons artistiques, de notoriété et de commerce qui font d'un titre, un ingrédient de base, le but premier étant bien sûr d'être descriptif afin d'identifier ce dont on parle. Le titre était pertinent à l'époque des disquaires, et ça simplifie la recherche sur les moteurs qui servent à ça..
La chanson est une tradition orale qui remonte à des centaines d'années, et même si la forme, les arrangements et les couleurs ne cessent d'évoluer, elle respecte toujours les mêmes règles de base.
Une fonction de désignation
Ce court extrait d'une thèse (9.2) y va d'un regard un peu plus langagier :
« Un titre est toujours porteur d’un message. Parfois il englobe l’essentiel d’un texte écrit, parfois il est conçu de telle manière qu’il laisse sous-entendre quelque chose, parfois il permet de percevoir directement le contenu du texte en question etc. En rapport direct avec tous ces éléments, [...] Genette (9.3) dit que le titre [...] remplit plusieurs fonctions. La première et la seule obligatoire, à son avis, est la fonction de désignation ou d’identification. Ensuite, un titre peut être descriptif, son rôle étant celui de décrire le contenu du texte, mais aussi de laisser planer l’ambiguïté. Un titre peut avoir en même temps une fonction connotative et enfin, une fonction séductrice […] Si le destinataire du texte […] est bien le lecteur, le destinataire du titre est le public. »
9.0 - Parolier américain (1909-1976), auteur de Moon River et Days of Wine and Roses, pour ne nommer que celles-ci. Cité par Sheila Davis dans Craft of Lyric Writing, p. 15.
9.1 -La Tribune, 9 juillet 2014
9.2 - « La poétique des titres chez Duras »
9.3 - Gérard Genette
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Soumis par Pierre le 9 février, 2020 - 19:39.
Pour plusieurs auteurs, la méthode du titre en premier joue un rôle crucial et primordial : cela leur procure un point de départ idéal et oriente immédiatement leur action. Parfois, le titre demeure un élément secondaire ou indéfini pendant la rédaction, et n'apparait qu'une fois le texte terminé. Et encore, il y a des chansons dont le titre n'y figure même pas! Écrire, c'est parfois comme aller à la pêche : le résultat n'est pas garanti. À moins d'opter pour la méthode du titre d'abord.
Veuillez me pardonner si ma préférence va pour cette option; après tout, ceci n'est pas un manuel de technique pour rien! C'est, tout simplement, la méthode que j'affectionne. Un bon titre est aussi important, pour moi, que le riff-qui-tue. Il se trouve que c'est également le point de vue de John Fogerty, (9.4) qui répondait à la question :
« Quand vous écrivez une chanson, par où commencez-vous? »
JF : « Je vais m'asseoir avec ma guitare, et je vais bidouiller; jouer des riffs, (9.5) des progressions d'accords, peu importe, pour avoir un bon rythme ou un bon quelque chose. Puisque je suis un gars de rock 'n roll, j'essaie de faire coïncider une chanson avec un riff, et donc avec un arrangement. Parce que je sais que je vais l'enregistrer ultimement.
« J'ai déjà dit qu'une grande chanson comprenait les quatre éléments suivants, dans l'ordre: le titre, le son, les mots, et la dernière chose est – et toutes les grandes chansons de rock 'n roll l'ont – un super riff à la guitare. Ça peut donner l'impression que je commence par la fin en arrivant d'abord avec le riff.
« Mais c'est ce qui m'allume. Ensuite je vais penser au titre. Parce que lorsque tu entends une chanson à la radio, elle se doit d'avoir un bon titre. Comme Bad Moon Rising. Ça c'est un bon titre. Et j'en ai un livre plein que je conserve depuis longtemps. »
« Qu'est-ce qui fait d'un titre, un bon titre? »
« Il faut que ça sonne cool. Si en plus c'est aussi une image, c'est très bien mais ça n'est pas obligatoire. Blue Moon Nights pour moi est un bon titre puisque c'est évocateur, ça établit une ambiance particulière. Southern Streamline est légèrement moins efficace sur ce point. 110° In The Shade dit ce que ça dit et ça te place tout de suite dans l'ambiance. J'ai eu ce titre avec moi depuis près de vingt ans avant que je n'écrive la bonne chanson pour lui faire honneur. »
9.4 - Auteur-compositeur-interprète américain, guitariste et leader de Creedence Clearwater Revival (CCR) à la fin des années '60. Interviewé en 1995 par Paul Zollo pour Songwriters on songwriting, Da Capo, 2003 p. 708-709.
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Soumis par Pierre le 22 mars, 2020 - 16:56.
Vouloir écrire une chanson sans titre, c'est comme partir à l'aventure sans boussole, ou naviguer à vue. C'est jouable et je n'ai rien contre l'idée. Toutefois, c'est pour s'éviter de tâtonner et suer indéfiniment qu'il existe des repères qui contribuent à débroussailler des idées en friche. Allons-y donc de quelques balises qui s'appliquent la majeure partie du temps au titre, et à son choix.
Une ligne de force, c'est cette phrase qui incarne le mieux la chanson et dans laquelle on y trouve, plus souvent qu'autrement, le titre. Elle en représente l'idée centrale, l'épine dorsale, l'âme et la raison d'être, comme une flèche qui pointe vers le Nord. Elle s'énonce généralement sous la forme d'une phrase affirmative simple complète, s-v-o. Elle résume l'idée en une ligne accrocheuse, et peut faire un très bon slogan.
Une bonne ligne de force, qu'elle soit brève ou longue, profonde ou légère, provocatrice ou métaphorique est, avant tout, une affirmation qui sonne vraie. Ça sera le seul sillon creusé inlassablement tout au long du morceau, et autour duquel gravitera le texte. «Three chords and a truth ». Ces lignes portent en elles une véracité fondamentale, de tout temps. En gras ci-dessous, le titre dans chaque ligne de force :
Don't worry, be happy – Donnez-moi de l'oxygène – Emmenez-moi au bout de la terre – God only knows what I'd be without you – If you love someone, set them free – J'ai mauvais caractère - J'aime les filles – Je suis un gars ben ordinaire – Les histoires d'amour finissent mal en général – Moi j'aime les choses inutiles – Tout arrive à qui sait attendre - We can be heroes just for one day -
Les titres les meilleurs relèvent d'un trait d'esprit issue d'une anecdote, d'une observation ou d'une réflexion concernant des comportements, des attitudes ou des situations universellement reconnaissables. La ligne de force résume le propos en une formule brève, qui sonne, cogne et résonne.
On trouve également les propositions indépendantes et subordonnées les plus diverses et qui donnent des phrases complexes, afin de prendre la pleine mesure de l'idée :
Je suis un propriétaire qui aime garder les pieds sur terre – Pourquoi le monde est sans amour, ça ne peut pas durer toujours – Qu'est-ce que ça peut ben faire que je mène ma vie toute à l'envers - Mourir pour des idées d'accord, mais de mort lente –Should I stay or should I go – Tout le monde veut aller au ciel mais personne ne veut mourir – Un jour je vais sauter sur un train et disparaître au bout du chemin - You can't always get what you want, but if you try sometime you find you get what you need –
La ligne de force s'exprime aussi par la tournure négative... :
Ain't no sunshine when she's gone – Je n'aurai pas le temps – Je ne veux pas finir noyé dans l'aquarium – Mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver – Non, je ne regrette rien – On n'apprivoise pas les chats sauvages –
...et par l'interrogative : Aimes-tu la vie comme moi? – Deviens tu ce que t'as voulu? – Hello I love you won't you tell me your name? – How soon is now? – Il est où le bonheur? – Is she really going out with him? – Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux?
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Soumis par Pierre le 22 mars, 2020 - 18:33.
Identifiable dès la première écoute
Par principe, le titre doit ressortir dès la première écoute. On l'aime accrocheur, qui nous saute aux oreilles, impossible à rater. Cela résulte en des titres qui en disent beaucoup en peu de mots, s'incrustent dans l'imaginaire collectif et deviennent mémorables.
Bye bye mon cowboy - Cœur de rocker – Foule sentimentale - Girls just want to have fun – J' t'aime comme un fou – Le monde est virtuel – Papaoutai – Rock the Casbah - Tassez-vous de d'là - Y a d'la joie –
Le titre peut être d'un seul mot comme il peut s'étendre à plus de dix. Il se retrouve tant en amorce que dans un refrain, comme il peut être absent du texte ou symboliser le dernier des clichés. Il peut vouloir épater la galerie, mais aussi ne mener à rien, comme l'expliquait Jules Shear, (9.6) auteur de All through the night que Cindy Lauper a popularisé sur son premier album, She's So Unusual :
« Écrivez-vous parfois à partir d'un titre? »
JS : « Oui, j'ai bien peur que ça soit parfois le cas. Parce que je suis aussi passé par les étapes de ne pas vouloir travailler à partir de ceux-ci.
« Pourquoi pas? »
« Parce que je connais des chansonniers qui ont des chansons avec les titres les plus surprenants du monde. Et les chansons sont affreuses. Je parle de ceux qui écrivent à partir d'un titre. Ils viennent me dire qu'ils ont écrit une chanson avec un titre incroyable. Et là tu te dis « Wow. Ça promet. » Et tu entends la chanson, et elle est nulle. Parce qu'ils n'ont pas réussi à traduire cette idée en chanson. En réaction à cela, et pendant plusieurs années, je n'ai rien écrit à partir d'un titre. Mais je suis rendu ailleurs. J'essaie de surmonter ces manies et d'écrire un morceau peu importe par où il arrive. En autant que ça soit plus facile.
« J'écrivais avec Susanna Hoffs, (9.7) et elle racontait à quel point la partie la plus difficile était de pouvoir écrire à partir de n'importe quoi. De quoi vas-tu parler? Quand le champ est aussi vaste, par où commencer? En débutant par un titre, tu es instantanément dirigé, et ça te donne une chance d'avancer. Se partir est vraiment un élément clé. »
Une direction claire
Idéalement, un titre n'a pas de compétition à l'intérieur du texte. Si c'est le cas, le suivant peut se produire: de 1) on court plus d'un lièvre à la fois, et la confusion s'installe; de 2) un seul des deux sera enregistré légalement, d'où faire un choix; ou 3) on use de l'option d'inclure une parenthèse au titre. Ce n'est pas les exemples qui manquent:
Brun (La couleur de l'amour) – (Everything I Do) I Do It For You – Fais-toi z'en pas (Tout l'monde fait ça) – (Get A) Grip (On Yourself) – It's Only Rock n' Roll (But I Like It) – It's The End Of The World As We Know It (And I Feel Fine) – Norwegian Wood (This Bird Has Flown) – On va crever en attendant l'été (ou l'hiver) – (The Angels Wanna Wear My) Red Shoes – You never can tell (C'est la vie) –
Je reviens chez nous
[Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous]. (9.8) Cette ligne de force a donné à Jean-Pierre Ferland son premier succès international, avec un titre tombant dans l'oreille en fin d'énoncé. En classe, en guise de démonstration, j'ai demandé aux participants à mes ateliers, sur plusieurs années, de l'identifier en lançant des pistes comme « Nommez-moi le plus grand succès international de Jean-Pierre Ferland... ».
Plus souvent qu'autrement, les gens l'identifiaient par [Fais du feu dans la cheminée...]. Cela démontre une compétition à l'interne de par son positionnement. En principe, l'emplacement de choix pour le titre demeure la première partie dudit énoncé, pour qu'il soit, justement, immanquable.
Toutefois, la seconde partie y donne le sens, en plus de résumer et motiver l'essence du propos, soit d'avoir le mal du pays et d'exprimer le désir de rentrer chez-soi. L'essentiel n'est pas de faire un feu dans une cheminée, c'est surtout de revenir à la maison. Cela va de soi que ça en devienne le titre.
9.6 - Jules Shear, interviewé par Paul Zollo, Songwriters on songwriting, Da Capo, 2003 p. 585
9.7 - Susanna Hoffs, chanteuse et guitariste du groupe américain The Bangles
9.8 - Je reviens chez nous, Jean-Pierre Ferland, Jean-Pierre Ferland, Barclay, 1968
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Soumis par Pierre le 29 mars, 2020 - 17:03.
Le titre se trouve à être un résumé de l'essence même du texte; il en est la synthèse, et va suggérer une direction à prendre, quelle qu'elle soit. Assumez votre titre et démontrez qu'il n'est pas accidentel, qu'il tombe sous le sens à chaque retour. Une fois que le titre est trouvé, le reste coulera de source. Si la ligne de force jase de Chats sauvages, vous ne nous écrirez pas La mer.
Facile à repérer
L'emplacement du titre et de sa répétition sont des techniques-clé pour le mettre en valeur. En ce sens, le titre gagne à se retrouver à des endroits stratégiques, notamment en amorce et/ou en clôture du refrain. On peut même répéter le titre jusqu'à quatre fois par refrain de huit lignes. Ne vous gênez pas pour le répéter.
En amorce...
Le titre arrive souvent en amorce de chanson, et sont les tout premiers mots que l'interprète prononce:
Aimer à perdre la raison – Et maintenant, que vais-je faire? – Et si tu n'existais pas, dis-moi pourquoi j'existerais? - Hey Jude, don't make it bad - Ils s'aiment comme avant – Ma petite entreprise connait pas la crise – Y fait chaud, j'dors pas –
Pour la ballade À la première lueur de l'aube, j'avais à choisir entre ce titre qui ouvre la pièce et la ligne qui conclut le couplet, [...et si le temps pouvait s'arrêter]. J'ai hésité, pesé le pour et le contre; la première des deux était plus élégante, laissait une image, une trace visuelle dans l'esprit, en plus d'être en amorce du morceau. La seconde ligne ne résumait pas aussi bien le propos, ne saisissait pas le moment autour duquel tournait le texte. Le concept du temps qui arrête est certes poétique, mais relève davantage de l'abstraction ou du concept intellectuel. Pas aussi accrocheur. Ça ne passe pas par les sens.
...ou en fin d'énoncé :
Opter pour un titre à la fin d'une phrase (ou d'un refrain) a aussi ses avantages en ajoutant un poids aux mots, une importance, un gravitas. Le titre résulte alors d'une réflexion, d'un constat ou d'une logique, et c'est souvent là qu'est la zone payante.
Clowns to the left of me, jokers to the right, here I am, stuck in the middle with you – If you can't be with the one you love, love the one you're with – On est dix mille sur la rue St-Paul avec le blues de la métropole - Si tu savais comme on s'ennuie à la Manic – Toi qui est seul et qui réclame un peu d'amour et d'amitié – Tramps like us, baby we were born to run –
Entre parenthèses
Une façon de parer à toute ambiguïté est parfois d'ajouter un titre entre parenthèses pour des raisons d'identification quand deux titres se font de la compétition à l'interne : (I Can't Get No) Satisfaction, Les chemins d'été (Dans ma camaro), Terre Promise (Poussé par le vent) n'en sont que quelques exemples. La quantité et le placement des parenthèses viennent en tout genre, comme on a vu plus haut.
Jimmy Webb
Le titre devrait être en phase avec le texte, même si, au final, il pourrait changer. Auteur-compositeur et chanteur américain, Jimmy Webb (9.10) a crée certaines des grandes chansons du songbook américain du XXème siècle : Up, Up and Away, Wichita Lineman, By the time I get to Pheonix et autres MacArthur Park. Voici ce qu'il avait à dire sur la flexibilité qu'il s'accorde vis-à-vis le choix d'un titre :
« […] J'aime les titres. J'aime avoir un bon titre à partir duquel travailler, ou autour duquel structurer mon travail. Et au final le morceau peut porter un autre titre. Le titre peut aussi être un fragment ou une ligne tirée du texte, ou autre chose. Mais si j'ai un point de départ, que je débute par un élément concret, le morceau devient alors mieux ciblé pour moi. C'est comme si je devais l'écrire de cette façon. »
9.10 - Jimmy Webb interviewé par Paul Zollo, Songwriters on songwriting, Da Capo, 2003 p. 157 (trad. libre)
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Soumis par Pierre le 29 mars, 2020 - 18:33.
Le grand succès de la canadienne k.d. lang, Constant Craving (9.11), a la particularité d'offrir un refrain dépouillé où le titre, ample, occupe la moitié de celui-ci. À l'avant-plan, chaque syllabe équivaut à une ronde, sur une descente mélodique d'un ton et demi : [Constant craving...] se trouve bien en évidence et est impossible à rater. Le titre est clairement identifiable et reconnaissable dès la première écoute. Impossible de se méprendre là-dessus, et ce n'est pas [...has always been], la fin de la ligne, qui lui fera de l'ombre. Voici ce que lang avait à dire sur la chanson :
« Constant Craving » est un titre formidable, comme pour plusieurs de vos chansons. Avez-vous toujours une idée du titre avant de débuter le processus d'écriture? »
« Non, tout cela est un peu interconnecté puisque dans l'écriture du morceau [Ben Mink et moi] nous nous parlons des émotions qui surgissent en nous. On se parle de ce que la mélodie et les accords évoquent en nous. Lorsque je quitte pour écrire les paroles et que je constate quel genre de texte convient, c'est comme un brassage, ce n'est pas vraiment une routine. Ce qui arrive, arrive. Ce n'est jamais une routine. »
« Vous rappelez-vous de la rédaction des paroles de Constant Craving? »
« Oui. (Elle se lève pour aller chercher une dactylo avec la page des paroles toujours à sa place.) Elles ont pâli au soleil, mais les voici. » « Vous voyez, je me bats avec chaque mot comme [here beneath my skin] et [just beneath my skin] Chacun des mots. Cela peut me prendre des heures pour un seul mot. C'est affreux. Je déteste ça. »
« Le procédé est déplaisant pour vous? »
« Lorsque j'ai terminé, c'est la chose la plus gratifiante qui soit. C'est comme avoir un nouveau-né. Vous avez donné naissance à une chanson. […] Je me sens parfois presque souffrante quand j'écris un texte [...] » (9.12)
9.11 - Constant Craving, k.d. Lang, (k.d. Lang/ Ben Mink), Ingénue, Sire, 1992
9.12 - k. d. lang interviewée par Paul Zollo, Songwriters on songwriting, Da Capo, 2003 p. 608 (trad. libre)
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Soumis par Pierre le 10 avril, 2020 - 21:54.
La longueur du titre est évidemment variable, et il y en a pour tous les goûts. De manière empirique, la moyenne favorise les titres courts, entre un à six mots, en général.
Parfois, le titre n'est constitué que d'un mot :
Ailleurs – Anecdote – Boomerang – Dédé – Illégal – Money – Papaoutai – Propriétaire –
Le groupe post-punk anglais Joy Division fait figure de pionnier à bien des égards, y compris pour les titres à la fois sobres et sombres de son répertoire : Transmission, Isolation, Atmosphere, Disorder, Heart and Soul, New Dawn Fades, Decades, etc.. Love Will Tear Us Apart, désormais leur titre le plus connu du grand public est, dans les faits, leur plus long avec cinq mots (!).
Sur l'album Fear of Music, l'auteur et leader des Talking Heads, David Byrne, s'était donné pour mission d'écrire des chansons à partir d'un seul mot, ce qui a donné les : Air, Cities, Drugs, Heaven, Mind, Paper.
De deux à six mots est la longueur à la fois usuelle et optimale qui permet d'annoncer un phrasé, un rythme, une image. On retrouve notamment :
Le titre dénotatif, avec un article ou déterminant (défini ou indéfini) pour annoncer le sujet, fut-il à propos d'un nom commun, d'une idée, un lieu, un état d'âme, un objet, un animal, etc. : La bohème – Le Gorille - Les Champs-Élysées – Le blues du businessman – À Ste-Adèle PQ – Aux portes du matin – Ces gens-là – Cette chanson – Ma préférence – Deux secondes – Aucun express – Un souvenir heureux –
Mémorables et inoubliables, les titres courts se déclinent de plusieurs manières :
Le titre affirmatif, qui implique la parole, la communication ou l'adresse à autrui : À toi – A message to you Rudy - Attention mesdames et messieurs – Calling You - Hey You – Hands off she's mine – Hey Jude - J'appelle - Tiens-toé ben j'arrive–
Par une expression consacrée : Au fur et à mesure - Avoir su – C'est ça qui est ça – C'est comme ça - Faut pas s'en faire avec ça - On veut pas payer – Takin' care of business –
Par un titre slogan : Aimes-tu la vie comme moi? - Aujourd'hui ma vie c'est d'la marde – C'est pas physique c'est électrique - Everybody wants to rule the world - 50 ways to leave your lover – Give Peace a Chance – Good Vibrations – Sex & Drugs & Rock 'n Roll – The future's so bright (I gotta wear shades) –
Le titre synopsis (absent de la chanson) : A Day in the Life - Bohemian Rhapsody – For what it's worth - Immigrant Song – Lindbergh - La non-demande en mariage – Remède miracle - Rock pour un gars d'bicycle – Space Oddity – Tomorrow Never Knows –
Au delà de six et jusqu'à neuf mots, le titre s'émancipe et forme une phrase complète d'au moins un, sinon deux verbes :
Fais-toi z'en pas (Tout le monde fait ça) – Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve – J'ai la cervelle qui faisait des vagues – J'ai un bouton sur le bout de la langue – Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai – Le soleil se cherche du stationnement dans l'horizon – Sorry seems to be the hardest word – Tout c'qui est dégueulasse porte un joli nom –
Au-delà d'une dizaine de mots, la longueur surprend :
Comment tuer l'amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition – Have You Seen Your Mother Baby Standing In The Shadows? - How Can Poor Men Stand Such Times and Live? - Il vaut mieux une petite maison dans la main qu'un grand château dans les nuages – Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerais toujours oh mon amour – Sait-on jamais où va une femme quand elle vous quitte - When The World Is Running Down, You Make The Best Of What's Still Around –
The Smiths
Groupe phare des années 80, réputé pour sa sensibilité envers une jeune génération désemparée prise dans une Angleterre thatcherienne, The Smiths offraient des titres inimitables dans lesquels l'amour, la solitude et le grotesque du quotidien finissaient toujours par se retrouver, entremêlés.
Mené par Morrissey, qui signe les textes, et Johnny Marr à la guitare jingle-jangle, appuyé par Andy Rourke et Mike Joyce, respectivement bassiste et batteur, le quatuor a établi une oeuvre exceptionnelle de 4 albums et quelques compilations sur 4 ans, oeuvre poignante et toujours pertinente, riche d'envolées mélodiques rafraîchissantes après des années de minimalisme post-punk.
The Smiths, nom de band banal au possible, furent l'objet d'une rare dévotion par ses fans, qui se reconnaissaient totalement dans ces histoires de coeurs brisés, de rejets, d'infanticides, de dérision, d'empathie et d'espoir, exultant parfois férocement envers son prochain : Hang the DJ / Hang the DJ...
L'homosexualité de Morrissey était un secret de Polichinelle avec indices entre les lignes, sans jamais devenir un enjeu de militantisme de sa part. Son militantisme pour le végétarisme (et contre la consommation de viande) par contre fut étalé au grand jour dès leur deuxième album, se manifestant sous la forme du brûlot de 6 minutes, Meat is Murder, qui donna son titre massue à l'album.
Puissant commentaire politique, la pièce dénonce un mode d'alimentation basé sur le «meurtre» d'animaux pour consommation humaine. De par son intro d'accords plaqués inversés, la lenteur de son tempo et sa charge émotive, elle n'est pas sans rappeler la non moins puissante Madman across the Water d'Elton John.
Leur dernier album, Strangeways, Here We Come, propose des lignes de force éloquentes: A Rush And A Push And The Land Is Ours – I Started Something I Couldn't Finish – Stop Me If You Think You've Heard This One Before – Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me – Death of a Disco Dancer – Girlfriend in a coma. On est en 1987, Morrissey est au sommet de son art, et c'est déjà la fin d'une époque.
De grandes chansons, des titres généreux, des mélodies élégantes, une production soignée; cet ultime effort est certainement ce que The Smiths avaient de meilleur à offrir en guise d'adieux.
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Soumis par Pierre le 18 avril, 2020 - 16:46.
À l'occasion, vous remarquerez que l'usage d'un titre davantage évocateur soit préféré à un autre disons, moins vendeur, mais néanmoins placé pour tomber dans l'oreille. Vous me direz que c'est un peu normal. Je pense à Je rêve à Rio (9.13) de Robert Charlebois, par exemple. On a ici une pièce couplet/refrain (CR) où la première ligne donne le titre d'entrée de jeu : [Je rêve à Rio / devant ma radio...]. Voilà, la carte est jouée, pour ne plus revenir du morceau.
Sa structure est de deux couplets de douze mesures, suivis d'un refrain de huit pour totaliser un bloc de 32 mesures. Notez que le refrain se pointe dans la première minute, pour respecter une règle non-écrite de minutage. Répétez cette forme deux autres fois, à l'identique, et vous avez le plan de la chanson. Six couplets font avancer l'histoire, un seul refrain qui revient, répété trois fois, plus une autre pour le coda, et hop! le tour est joué en 3:32.
Dans une couplet/refrain, le titre se trouve plus souvent qu'autrement à l'ouverture dudit refrain; c'est la zone payante. Il peut aussi se retrouver à la toute fin, étant souvent le fruit d'un déroulement logique narratif.
Or ici, en ouverture du refrain, quand il se pointe à :50 secondes, on obtient : [C'est pas pour moi tout ça, tout ça...]. À l'évidence, cette ligne répond à la question sous-jaçante posée par la ligne précédente, « et c'est pourquoi je dis... »; sauf qu'ici la tournure est plutôt négative, représentative du personnage dépeint. Pas le titre le plus hot.
Et en guise de conclusion, on a droit à quoi? À [J'suis qu'un pauvre homme qui chôme, qui chôme au royaume du calcium]. Pas non plus le genre de ligne pour vendre une samba endiablée et qui aspire à tourner à la radio. Et pourtant, on est bien dans le refrain. Alors que rêver à Rio... Qui n'a pas rêvé à Rio un jour? Il se trouve là, le titre mémorable.
I Got You, par Split Enz, use du même principe; le titre ouvre la chanson, mais disparaît par la suite. À l'arrivée du refrain, la ligne [I don't know why sometimes I get frightened] est celle qui, dans la même logique de mise en évidence devrait être le titre, mais n'est pas retenu. Ce titre potentiel manquait-il d'un petit quelque chose?
Dans les faits, c'est Neil Finn qui a reçu le mandat d'écrire sur le titre « I Got You » soumis par son frère Tim. En entrevue, Neil racontait qu'il « aimait bien les couplets, mais que le refrain laissait à désirer, et qu'il faudrait bien que je le retouche un moment donné... qui n'est jamais venu. Ce qui démontre que je ne sais pas reconnaître un hit quand j'en entends un. »
Facile 9.14
Dans le même ordre d'idée, on retrouve sur l'album Double vie de Richard Séguin la chanson Facile où l'état d'âme et l'introspection domine le propos. Commentaire social sur la vulnérabilité de l'être humain en situation de précarité, la chanson possède un certain potentiel radio, sauf pour le refrain qui dresse un constat ardu: [C'est pas facile / Rester tranquille / Avec c'que j'vois / Dans ma ville / C'est difficile / C'est compliqué / Surtout pour moi / Une proie facile]. À choisir un titre dans tout ça, le choix se trouve à être... facilité.
Anecdotique peut-être, mais j'ose croire qu'il y a une certaine logique éditoriale derrière ce genre de décision artistique.
9.13: Je rêve à Rio, Robert Charlebois (R. Charlebois/Michel Robidoux) Volume X, Barclay 1974
9.14: Facile, Richard Séguin, Double vie, Audiogram, 1988 © Intermède Musique Intl
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Soumis par Pierre le 1 Mai, 2020 - 19:32.
Comme je disais précédemment, le titre se retrouve dans les refrains parce que c'est la ligne forte qui sonne et résonne et qui tombe aux bons endroits, aux bons moments. L'inverse est aussi plausible: l'amorce devient le titre parce que situé stratégiquement; c'est la première ligne que l'on entend.
Le titre peut s'imposer simplement à force de répétition et de symétrie. À tout le moins, il doit revenir régulièrement pour faire sa place dans l'oreille; j'en veux pour exemple Comme un million de gens où le titre apparaît symétriquement à la cinquième mesure de chaque couplet, sauf pour le tout dernier où il l'ouvre.
J'ai mentionné aussi certaines chansons ne contenant pas le titre dans leur texte. Ça se résume en une formule bien tournée, une image ou un jeu de mots qui ramasse le propos, comme pour Bohemian Rhapsody, Dégénérations ou Space Oddity. Bien entendu, cela n'a pas empêché ces chansons (et combien d'autres) de prendre racine en nous. Cela démontre que le titre sous la forme d'un synopsis fonctionne. Ça démontre aussi qu'il s'agit de l'exception à la règle.
L'absence de titre : Richard Thompson et « King of Bohemia » 9.15
L'absence totale du titre dans un morceau n'est pas forcément l'idéal selon des paramètres commerciaux, mais cela peut se justifier d'un point de vue artistique même si c'est, selon toute vraisemblance, contre-intuitif. Voici ce que l'auteur-compositeur-interprète Richard Thompson avait à raconter à propos de sa pièce King of Bohemia, et de l'interprétation qu'on lui a donné dans le public.
« Écrivez-vous à partir de titres, et les amassez-vous? »
RT : « Oui, j'adore les titres. J'en suis obsédé. J'adore trouver un bon titre. Un titre peut peindre une image. »
« Un titre intéressant de vous, et qui n'est même pas dans la chanson, est « King of Bohemia ». »
« Oui. C'est un peu trompeur et même un peu obscur. Je pensais à la chanson et je n'y voyais pas de titre évident dans le texte. J'ai pensé alors que ce morceau ne ferait jamais le Top 10, ne serait jamais un succès commercial. J'ai donc pensé à me faire plaisir avant tout et de l'appeler comme le cœur me disait. Il y a un pub près de chez moi qui porte ce nom. Et c'est là où se déroule la chanson. Mais j'ai constaté que c'était un peu obscur. Certains l'ont interprété de curieuse façon. Un journaliste a cru que la chanson portait sur Bob Dylan, comme un Roi de la bohème. Il avait développé toute une théorie que je trouvais si bonne que j'ai presque eu envie de l'adopter. »
9.15: Membre fondateur du groupe anglais Fairport Convention, groupe phare du folk-rock anglais à la fin des années soixante. Interview par Paul Zollo, Songwriters on songwriting, Da Capo, 2003 p. 528
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Soumis par Pierre le 2 Mai, 2020 - 16:14.
Au niveau de ses titres, George Harrison a hérité d'une certaine perception, à savoir que ceux-ci étaient souvent ordinaires et beiges, incluant sa plus belle, Something, mais aussi pour les Think For Yourself, I Want To tell You et autres Long, Long, Long. Ça ne signifie pas que ses titres soient tous quelconques : Here Comes The Sun est une trouvaille d'une simplicité formidable, on s'entend. While My Guitar Gently Weeps est une métaphore d'une grande délicatesse, et All Things Must Pass, porteur d'une grande vérité. Mais dans l'ensemble, ses titres sont plutôt quelconques.
Alex Nevsky a pondu de fabuleuses petites bombes pop qui ont tout ce qu'il faut pour s'incruster dans l'oreille. Elles ont fait un tabac en ondes; je pense à On leur a fait croire et Les Coloriés. Mais pour ce qui est de ces deux titres, ils sont, hélas, peu mémorables. Le titre apparaît bien tardivement dans l'un (à 1:50 sur 3:27), et leur formulation est soit incomplète, soit peu imaginative.
Dans le même ordre d'idée, Dumas semble accorder peu d'importance à ses titres de chansons; les lieux communs, les clichés et autre emprunt sont au rendez-vous. À cet effet on peut en dire autant des Claude Dubois ou Corbeau, par exemple.
Oui, il existe des règles en chanson, mais elles demeurent contournables ou modelables pour des mains habiles. Heureusement! Perso, je n'aurais jamais utilisé un titre comme N'importe quoi. Peu inspirant à mon goût. Toutefois, Éric Lapointe – par la plume de Roger Tabra - a eu le dernier mot en illustrant la manipulation dans une relation amoureuse, où l'un est décidément plus épris que l'autre. Encore là, tout est une question d'angle et d'approche. Bravo.
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Soumis par Pierre le 7 juin, 2020 - 19:03.
Anecdote de El Senor Pluma, est une adorable chanson sur l'enfance, comme une bulle qui nous ramène à un âge où on n'a [pas d'poils en d'sous des bras], et où l'on s'émerveille en découvrant son environnement. C'est un bijou de portrait narratif d'un passé qui n'existe plus, mais qui demeure archétypal de par son imagerie avec les tramways, les chats, le guenillou, les moineaux qui le suivent, [les batailles avec les Anglais], etc.
En une minute, le texte est entendu intégralement. Une progression I-IV-V, sur une forme AABA structurent la composition. De par la symétrie des deux couplets de 7 mesures amorcés par [Quand j'tais p'tit gars...], le morceau aurait pu platement s'appeler Quand j'tais p'tit gars. Toutefois, Anecdote illustre parfaitement, avec modestie et clin d'oeil, un moment de vie d'une époque révolue. Comme recevoir une carte postale en direct de l'enfance. Irrésistible.
Dégénérations, quel titre! Le jeu de mots force l'admiration par ses deux niveaux : par l'illustration d'une succession de générations qui se relaient un héritage historique avec plus ou moins de succès, d'où une impression de « dégénérescence » par le passage du temps. Le titre synopsis parfait.
How soon is now? est un morceau un peu à part dans le catalogue des Smiths de par les innombrables couches de guitares psychédéliques, des vagues ondoyantes sur des rythmiques à la Bo Diddley, deux éléments pas du tout caractéristiques du son jingle-jangle qui a d'abord fait le succès du groupe.
La thématique abordée reflète toutefois parfaitement la démarche littéraire du groupe. Le texte évoque les difficultés à vivre d'une personne timide, un thème cher à Morrissey, l'auteur et l'interprète du groupe. La première ligne en établit la prémisse : [I am the son, I am the heir of a shyness that is criminally vulgar]. Le titre, fabuleusement absent du texte, est emprunté à Marjorie Rosen, auteure de Popcorn Venus.
Manche de pelle est une réplique québécoise à celui qui, sans raison, demande son nom à quelqu'un. « J'm'appelle manche-de-pelle ». L'expression sert ici de synopsis/référent à une énumération de patronymes empruntés au bottin téléphonique, avec une tournure pince-sans-rire inévitable venant de Réjean Ducharme, sur une musique de Robert Charlebois.
Positively 4th street a la réputation d'être parmi les premières chansons particulièrement venimeuses de Bob Dylan. Elle est parue dans la foulée de Like a Rolling Stone, et emprunte le ton dénigrant de celle-ci.
L'amertume du texte fait contraste avec la progression harmonique en mode majeur structurée en forme AAA de six couplets, de 16 mesures chacuns. Qui visait-elle, cela n'a jamais été éclairci et relève certainement davantage de l'amalgame que d'une seule personne ciblée. Le ton tranchant de la première ligne ne laisse aucun doute sur les intentions de l'auteur: [You've got a lotta nerve to say you are my friend].
Ici aussi, le titre est aux abonnés absents. Toutefois, celui qui hérite de ce rôle suggère un indice, un endroit où la rencontre aurait pu avoir lieu, à Greenwich Village ou dans son ancien patelin au Minnesota. Dylan s'est aliéné une partie de sa base en passant à l'électrique en '65, et Positively 4th street est possiblement une réplique à ce genre d'attitude qu'il ne pouvait supporter.
C'est la rythmique qui rappelait celle d'un train qui a donné une partie de son titre à Train in Vain (Stand by Me) du groupe The Clash, titre caché, ajouté à la dernière minute à leur épique album London Calling. Encore ici, le titre principal est absent du morceau, mais on retrouve Stand By Me dans le sous-titre en parenthèses, sous-titre référant bien sûr au célèbre titre du même nom signé Ben E. King. De fait, la ligne complète ici est plutôt exprimée sous la forme interrogative, comme lorsque on demande des comptes à quelqu'un qui nous laisse tomber : [Did you stand by me / No, not at all].
On peut aussi y voir un clin d'oeil au Stand By Your Man de Tammy Wynette dont le titre honore l'amorce : [They say you stand by your man]. On y comprend qu'il y a une histoire de rupture amoureuse qui motive la conversation. Train in Vain (Stand by Me) fut le premier titre des Clash à percer le Top 40 américain, Rock the Casbah étant le second.
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