Soumis par Pierre le 13 novembre, 2009 - 14:18.
Fluffy de Donald Lautrec sur étiquette Disques Mérite.
La réédition CD de 2006 et a été « revitalisée et remasterisée »; elle contient vingt et une chansons, soit dix de plus que l'album original paru en juillet 1972. On y trouve un livret de huit panneaux contenant des infos éloquentes sur l'histoire de Lautrec, sa démarche de précurseur et le contexte de la parution originale, des notes signées Richard Baillargeon.
Les adorables minous de la pochette d'origine du regretté Vittorio, grand affichiste montréalais, ont cédé le recto pour une photo en noir et blanc de M. Lautrec accompagné, je suppose ici du vrai Fluffy en chair et en poil. Sûrement par considération commerciale. On peut aussi y voir un cliché en studio de M. Lautrec flanqué d'Isabelle Pierre et de Renée Claude, non-identifiées. Présentation et qualité sonore adéquates à un prix abordable. Bon achat jusque là.
Je rappelle le contexte, soit la réception fraîche de Fluffy par le public à l'époque et Donald Lautrec qui, au moment du spectacle se retrouve devant une salle à moitié vide et range son habit de chanteur populaire. Pourtant deux extraits ont joué pas mal à l'époque et le son d'ensemble passe bien. Je veux savoir ce qui n'a pas marché avec l'album. Je m'attend évidemment à entendre l'oeuvre dans son pacing originel (l'ordre des chansons sur disque ou en spectacle) pour comparer des pommes avec des pommes.
L'écoute débute avec Le Mur Derrière La Grange: classique, le coup du hit qui ouvre. « Ah bon, c'est vieux comme le monde » me dis-je. Sujet terrien s'il en est un, préoccupations de gars fauché qui en arrache, le genre de thème du « Frigidaire » de Tex Lecor. Typique de son temps, le texte fait écho au besoin de ce qui représente alors le progrès: « Oh l'autoroute s'en vient par icitte / Mais la maudite 'a s'en vient pas vite... » Pas sûr que ça soit autant représentatif en 2009 toutefois, mais ça demeure une bonne toune cool quand même.
Ensuite, Le Soleil Est Parti ; celle-là je l'avais oublié mais ça me revient tout de suite. Ça a tourné à la radio pour la peine, que je me rappelle. Elle est gorgée du « Soleil » de Ferland, même Lautrec le chante: « Y'est parti dans l'nord chez Jean-Pierre Ferland qui en avait besoin / pis y va en profiter pour s'écrire une chanson lui-même... ».
En troisième, J'Pense Que Je Pourrai Pas Passer L'Hiver...
Là un doute s'installe; il y a quelque chose de pas fluide dans ce pacing qui semble mélancolique... « Ça peut bien pas avoir levé cet album» que je me passe comme première impression. J'Pense Que Je Pourrai Pas Passer L'Hiver, comme le titre l'indique, n'a pas exactement l'énergie d'Éloïse, loin de là...
En vérifiant ici, je remarque que le pacing d'origine de Fluffy a été complètement dénaturé, voire dépecé et rapiécé aléatoirement dans cette réédition. Le Soleil Est Parti, Le Mur Derrière La Grange et Joanna est l'ordre d'origine et non pas Le Mur Derrière La Grange, Le Soleil Est Parti et J'Pense Que Je Pourrai Pas Passer L'Hiver en troisième. Cette dernière n'est même pas sur l'édition originale, et elle a été insérée au mauvais endroit en plus!
Ça change tout. Ça n'est pas le même disque que j'écoute. Le reste est à l'avenant, c'est-à-dire rien à voir avec l'ordre de 1972: deux titres intercalés sur les onze pièces originales disposées aléatoirement. Dépecé, le Fluffy! Curieuse façon de rééditer un album méconnu et mal aimé... Quelle drôle idée!
Évidemment ça s'arrange une fois le téléchargement complété, et l'album remis en ordre reprend son sens et gagne en dynamisme. C'est vrai qu'il vieillit assez bien somme toute, même s'il fait suranné par moment. Il aura quand même quarante ans bientôt le p'tit minou...
Mais si on ne compare pas des pommes avec des pommes, on ne rend pas justice à l'oeuvre et ça ne doit sûrement pas aider les ventes.
Établissons que Fluffy est vraiment un album de transition, une production radio-friendly au son country-folk largement acoustique et typique d'alors, qui se situe dans le temps entre « Soleil » de Ferland et le premier album de Beau Dommage. La suite Minuit Et Demie – T'es R'venue – Ma Montre Pis Moé est tout à fait dans le ton de Beau Dommage. Intrigant.
Le lien avec Beau Dommage nous saute au visage à l'écoute de T'es R'venue, et Lautrec lui-même a confirmé au micro de Christiane Charrette avoir eu des contacts avec le groupe alors qu'ils s'appelaient "La Quenouille Bleue". Ah ben ça alors! Lautrec, via Fluffy aura préparé le chemin pour l'arrivée de Beau Dommage. Et c'est Beau Dommage qui aura récolté les semences de Lautrec. Pas mal pour un ex-chanteur de ska! Un précurseur, que je disais.
On parle d'un album « retour à la terre », terre à terre mais aussi introspectif, qui parle du quotidien simplement avec une approche fortement québécoise teintée de country pour le choix des thèmes. Donald Lautrec, observateur du quotidien. En 1972, c'est encore le début de la fierté nationaliste et du « on est six millions, faut se parler ». La langue chantée ici le reflète amplement.
Ah oui; l'influence de Jean-Pierre Ferland se fait aussi sentir dans Depuis Que J'Suis Né (composée par Claude Dubois) et dans La Marmotte (signée Michel Robidoux / Luc Plamondon). Cette dernière, d'une grande naïveté bucolique et musicale, pourrait peut-être aussi passer pour du Passe-Partout avant le temps: « J'ai tu-é un-e marmotte / J'ai cherché un trèfle à quatre feuilles / J'ai sauté toutes les barrières que j'ai rencontré ». D'ailleurs, Michel Robidoux n'a-t-il pas collaboré aux chansons de Passe-Partout? Bonjour le cliché et la mélodie est à l'avenant, enfantine. Si le son de l'album vieillit assez bien en général, celle-là accuse quand même son âge et une naïveté confondante. Mais bon, même Plamondon a dû commencer quelque part...
Outre Luc Plamondon, Lautrec travaille aussi sur la composition et les arrangements avec les meilleurs musiciens de studio de l'époque, les Michel Robidoux (alors complice des Charlebois et Ferland) Germain Gauthier et Red Mitchell notamment, et chante Claude Dubois deux fois sur le disque.
Finalement on y sent une influence folk-rock certaine, notamment celle de Bob Dylan. En passant, les huit premières mesures de À Ma Blonde Blues, ce sont celles de Just Like A Woman de Dylan transposées un ton plus bas en Ré. C'est flagrant, et l'harmonica en intro ne fait rien pour dissiper l'influence de départ. C'est l'histoire d'un gars qui sort de prison et se demande s'il y aura des fleurs à son retour et qui demande pardon à sa blonde. Un filon pas mal exploité en chanson américaine dans ce temps-là.
Avant de conclure je m'en voudrais de ne pas souligner la finesse de Je Suis En Amour qui ferme l'album. Un bijou, un vrai, de Michel Garneau, qui la reprenait sur son album J'ai Une Chanson Qui Me Gratte La Gorge sur disque Tamanoir en 1977.
Dans un sens, je peux comprendre que le public de l'époque n'ait pas saisi la démarche de Donald Lautrec. De chanteur énergique et de roi du 45 tours, Lautrec change alors pour un profil « contre-culturel » introspectif et un peu hippie. Alors que la démarche aurait pu donner une autre production plus aboutie ultérieurement, M. Lautrec ne s'est pas acharné et il a quitté la chanson pour quelque temps, pour mieux rebondir dans le futur.
Fluffy mérite de reprendre la place qui lui revient dans l'histoire de la pop québécoise, et il vaut assurément le détour, une fois réglée la question du pacing tout croche. Au moins l'album y est au complet. Et les autres titres inclus valent aussi le coup. Pour ces raisons ça reste un bon achat, en plus du livret en version CD.
Mais de grâce M. Lautrec, pour un prochain tirage, insistez pour que Fluffy revienne au monde dans l'ordre, pas en pièces détachées; le pauvre p'tit minou mérite mieux que ça!
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Soumis par Pierre le 4 septembre, 2009 - 21:27.
La plume de Guy-Philippe Wells ne cesse de satisfaire le fan de chanson en moi, et son deuxième album, Brise-Glace, n'a pas manqué de me rafraîchir non plus dans les jours de canicule de la fin d'août. La musicalité de l'ensemble, le sens du refrain plus qu'efficace de GPW, la qualité de ses accompagnateurs et des arrangements, son désir de créer une pop mélodique et intelligente (sans parler de son humour à longues dents pointues) en font un auteur-compositeur fort appréciable et un brin sous-estimé, il me semble. En voilà un qui, à tout le moins, mérite de voir la qualité de son travail souligné. J'aimerais partager ici humblement mon appréciation de l'album.
Brise-Glace ouvre avec la pièce éponyme atmosphérique et installe le thème général de la nordicité, que l'on retrouvera clairement dans trois chansons, mais aussi en filigrane avec les images et le choix des teintes en gris et blanc du livret de textes. Déjà, l'on remarque que la métrique s'est passablement épurée depuis Futur Antérieur, album plus "écrit" et chargé au plan du contenu. Le premier album visait à nous présenter GPW, alors que le nouvel album, lui, porte un regard sur l'autre, l'extérieur et l'international.
Mais on sent vite que le thème sous-jacent de l'album relève non pas de la froidure, mais bien de L'Aventure Humaine, deuxième morceau qui s'enchaîne et dévoile l'intérêt de GPW pour celle-ci, et qui fait qu'on a envie de le suivre pour voir où ça le mène. Comment ne pas répondre à son appel "À l'aventure..." avec son refrain naturel et irrésistible?
C'est d'ailleurs un équilibre que j'aime beaucoup chez Wells: le souci porté au texte n'éclipse aucunement l'importance accordée aux thèmes et arrangements musicaux. Ça donne un résultat mélodique très efficace à l'oreille.
Pergéliseul parle de deux solitudes. mais pas l'habituelle anglophone / francophone. Une autre, insoupçonnée des gens du sud de la province, ayant lieu au nord de presque tout, celle où bien des montréalais ne sont jamais allé (moi le premier). Bravo pour le titre, belle trouvaille! Une image, un jeu de mot, qui résume une idée en un seul mot. Chanté en duo avec Elisapie Isaac.
Petit Pays cause d'une certaine absence de motivation face à l'idée de l'indépendance du Québec; pas un angle évident à faire passer. Quoi qu'il en soit, je ne peux m'empêcher de voir cette chanson comme une version dévergondée du Petit Bonheur de Félix Leclerc. Même genre de personnification comme procédé d'écriture; la différence? Félix a trouvé puis s'est vu abandonné par son p'tit bonheur; Guy-Philippe, lui, est à la recherche d'une certain "petit pays" qui "pue des pieds". Tel jadis "le phoque parti faire tourner des ballons sur son nez", l'auteur se demande si son petit pays n'est pas "allé se surcontorsionner / jouer au Cirque du Soleil / Dans ses plus simples appareils"! Et vlan!
Le summum de l'ironie est atteint avec C'est Pas Vrai Qu'on Va S'en Sortir; GPW lui s'en sort admirablement avec un bijou d'humour noir sur un rythme a go-go (que n'aurait pas renié Nino Ferrer), avec un passage de l'évangile de Matthieu assez apocalyptique, merci. Il faut l'entendre clamer qu'il y aura des "grincements de dents" à la fin du monde; rappelons ici l'adage que "c'est pas parce qu'on rit que c'est drôle".
Avec Fusion Horaire, on passe à la partie plus internationale de l'album de manière uptempo, mais l'auteur ne manque pas de nous ramener, dans le refrain, à "l'est de l'Amérique du Nord / dessous les draps il y a moi / qui s'occupe à n'importe quoi". Le Désert De Gobi, sur un arrangement de contrebasse, de violon nostalgique et de balais sur caisse claire apaisants, mêle réflexions d'enfance, le désert de Gobi en Mongolie et l'amour; "Dans toi un petit bout de nous / au milieu de nos hémisphères / dans le couchant de Mongolie".
L'idée de l'éloignement et du refuge, soit sous les draps, dans le couple, ou encore "à l'abri" dans Anticyclone, troisième pièce de ce triptyque à la fois tourné vers l'extérieur et l'intime. "Est-ce ainsi que les hommes vivent?" se demande-t-il, évoquant une question posée jadis par Léo Ferré. L'aventure humaine, toujours... Guy-Philippe Wells, comme parolier, s'acquitte bien de son job d'observateur du quotidien.
Retour à la maison et à l'enfance; Eskimo ramène les thèmes de la nordicité et de l'identité québécoise, et plus précisément saguenéenne sur un continent pas évident au départ d'après l'auteur: "Moins quarante en février / mon rabaska qui prend l'eau (...) / Imaginez les colons / Fallait-tu être imbécile". En effet...
La piste la plus surprenante de l'album est certainement En Cas D'urgence (co-écrite avec Daniel Beaumont de Tricot Machine), qui est une énumération d'interdictions qui nous entre par une oreille et qui sort par l'autre à longueur de journée. GPW, qui est un sacré rigolo à ses heures (voir la pochette de Futur Antérieur, et l'intro de Je Suis Beau sur ce même album) livre une chanson tour-de-force avec l'aide de Sylvie Moreau et de Jean-Guy Moreau. À un endroit on a même nettement l'impression que même Pierre Falardeau est de la partie! L'idée de la chanson me rappelle celle de Manche De Pelle de Robert Charlebois sur un texte de de Réjean Ducharme (album Je Rêve À Rio, 1974), qui était aussi une énumération, mais plutôt celle du bottin téléphonique!
La Ballade De Ben Barbier devrait faire sa place dans la mythologie de GPW. La voix bien en avant de Geneviève Jodoin me rappelle celle de Sylvie Choquette sur Pomme De Route de Plume pi Cassonade (Steve Faulkner). Une bonne idée d'arrangement que d'inclure une voix féminine pour contraster avec la voix granuleusement chaude de GPW. Ça passe très bien merci, et l'imagerie particulière de GPW s'éclate: "embarque sur mon bicycle à poil / attache ton casque pis monte la voile (...) prends le crazy carpet velu / on décampe à Honolulu". La poésie n'est pas dans la rime, mais dans le choc de réalités qui n'ont aucun rapport à priori. "Bicycle" ne va pas spontanément avec "velu", par exemple...
Et le voyage se termine avec Les Passagers Du Même Wagon qui met un terme à l'aventure de Brise-Glace. Le rythme est lent et solennel, et la voix grave de GPW finit par céder la place à une finale dramatique un brin prévisible et à une guitare électrique qui martèle le thème musical de la pièce, et qui s'estompe aussi dans une rythmique métallique qui n'est pas sans rappeler celle de l'intro de la pièce éponyme, comme un écho qui boucle la boucle.
Tout au long de l'album, Guy-Philippe Wells revendique une nordicité qui l'honore. "On a une relation amour-haine avec l’hiver. Je pense que nous assumons plus ou moins bien que l’on soit un pays nordique. J’avais le goût que l’album soit une appropriation du territoire et de son climat.» On voit que l'ancien conseiller politique de Lucien Bouchard est pas bien loin. Cette nordicité dont il se réclame, est-ce pour mieux s'approprier le pays politiquement? Possible, mais hypothétique. Ça a au moins le mérite de proposer une perspective disons... rafraîchissante sur le rapport entre un peuple et son territoire! Et puis, suggérer aux québécois de faire la paix avec l'hiver, n'est-ce pas déjà assez ambitieux merci?
Souhaitons que la glace soit définitivement brisée entre Guy-Philippe Wells et son public!
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Soumis par Pierre le 7 avril, 2008 - 16:31.
L'unanimité sur le nouvel Alain Bashung Bleu pétrole sur le Ouèbe est assourdissante. Trop peut-être à mon goût. Bashung doute pourtant plus que jamais sur cet album. Et moi aussi je doute; et s'il s'était "trompé"? On n'assimile pas un Bashung en 24-48 heures!! Moi je ne peux pas. Je m'en imprègne, je le porte comme un manteau, et il faut laisser le temps au temps.
Vingt ans après l'avoir découvert dans la foulée de L'arrivée Du Tour en 1987 (Passé Le Rio Grande en France), immense succès dans sa carrière, mais complètement tassé depuis), Bashung trouve encore le moyen de déstabiliser le vieux fan que je suis, comme un des rares maîtres issu du courant Punk/new wave/post-punk du tournant des années 80, à rester fidèle à cet idéal typique de ce mouvement: ne jamais refaire deux fois le même album. C'est une philosophie à laquelle Bashung semble toujours adhérer. Tant mieux.
Cinq années après L'imprudence, album de spoken-word glauque qui n'est pas sans précieuses pépites non plus (et sur lequel prenait part Steve Nieve, (éternel pianiste d'Elvis Costello), Bashung revient aux mélodies, mais sans son vieux comparse Jean Fauque, qui avait d'ailleurs succédé à Boris Bergman, qui avait succédé à Gainsbourg, qui avait succédé à... Voyez le genre.
Pour cet album, c'est Gaëtan Roussel, chanteur de Louise Attaque qui pourvoit non seulement aux textes, mais aussi aux musiques et, non sans surprise, l'ambiance est aux guitares acoustiques à la Osez Joséphine, avec certaines touches de Chatterton pour le bidouillage sonore électrique et électronique.
Ajoutez un brin de Novice comme pierre d'assise de la démarche post-Bergman-Rio Grande (comparez le shoum-pa-pa-pa de Résidents De La République avec le Oun-dé-oun-dé-oun-dé de Tu M'as Jeté sur Novice de 1989, ça ne ment pas); renouvelez les collaborateurs et les repères établis depuis près de 20 ans, et vous avez une idée du désarroi dans lequel je me trouve lorsque j'entends les unanimes trompettes dythirambiques. Et si Bashung s'était trompé, cette fois, tel un écho qui sous-tend plusieurs des nouvelles chansons? Dans le fond, il s'agit bien d'un changement de repères MAJEUR ici.
3 semaines après la sortie de ce Bleu pétrole, je commence à apprivoiser et à débusquer le potentiel de grandeur de ce nouvel ajout à une GRANDE discographie. Et plus souvent qu'autrement, chaque album de Monsieur B. depuis 1987 me déstabilise de la même façon. À chaque fois, je dois apprivoiser l'artiste. Non, Bashung ne semble pas s'être trompé.
Dans cet album, tant les textes de Roussel que ceux de Gérard Manset résonnent d'authenticité dans la bouche de Bashung. Sauf qu'il est surprenant de voir que notre homme ne s'est contenté que de collaborer qu'à 2 musiques et à 1 texte. N'empêche, l'équipe et l'album est homogène, et s'inscrit bien dans la lignée post-Novice-Osez Joséphine. Un album qui ne peut que gagner en force à chaque écoute, comme un vrai bon Bashung.
Je tiens à souligner la magnifique pochette qui reflète tellement bien le titre; il y une nostalgie intrinsèque à l'oeuvre, à se retrouver dans un village rural d'un Nord-Ouest mythique; comme un lointain écho à Neil Young et Dylan, à qui c'était "la faute" à l'origine.
Un beau gisement qui devrait bien vieillir finalement, ce Bleu Pétrole, monsieur le prospecteur Bashung.
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Soumis par Pierre le 27 novembre, 2008 - 15:26.
Dans la soixantaine, Louise Forestier? Voyons donc! C'est une femme d'à peine 30 ans, qui peut nous sortir un album d'une telle vitalité d'écriture et de créativité qu'est son nouvel album ÉPHÉMÈRE! Louise Forestier, qui reprend soudainement du service dans la chanson, et de manière fort réjouissante il faut le dire, m'épate littéralement avec cet album, tant pour la qualité de ses textes que pour la recherche mélodique libre et sans contrainte que l'on y trouve. Éphèmères - Louise Forestier pochette CD
Oui, ça sent la liberté à plein nez, cet album. Liberté de propos, liberté envers le carcan du "son radio", liberté même jusqu'à dans la forme des chansons! "Ostinato" est un petit chef-d'oeuvre en soi, uniquement par son refrain obsédant qui apparait alors qu'on ne l'attend pas, virevolte, revient, et revient... Suivi tout de suite par "Le Pont", qui fait contraste avec un son radio presque "AM" du milieu des années '70; piano électrique très chaud, harmonies et ligne mélodique qui auraient fait un malheur à l'époque. Les textes sont solides, les mélodies sont fraîches et fortes; mais surtout il y a cette voix portée par ce souffle sans effort, toujours égal, aérien et limpide! Enfin, une voix au service de la mélodie, et non pas soumise à un égo de star!
L'on sent de la liberté, mais aussi de la rigueur dans l'écriture des textes; en fait, je pourrais probablement, si je le voulais, livrer une bonne partie de mon cours des "Ingrédients de base" avec juste cet album comme toile de fond. La richesse du travail est là, tant sur le plan des images (et de la poésie au sens large) que de la structure, avec quelques "accidents" qui ajoutent du relief ici et là. Pour ceux et celles que ça intéresse, les parties structurantes - refrains et ponts - sont aussi clairement identifiées dans le livret. Musicalement, c'est très organique et homogène: piano, Fender Rhodes, guitare folk ou slide; ça sent même les Beatles de l'époque Abbey Road par endroits, mais aussi Radiohead. Bref, il y a longtemps que je ne me suis pas senti aussi comblé et allumé par un album.
Il sera loin d'être éphémère, cet album; je crois même qu'il marque un jalon dans une (déjà) grande carrière. Chapeau madame Forestier!
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Soumis par Pierre le 17 décembre, 2010 - 22:59.
C'est par une humide soirée de novembre que Rudy Caya me ramasse à une station de métro de Laval. Je ne l'ai pas vu depuis une vingtaine d'années et je me demande comment il vieillit. Rudy se pointe au rendez-vous avec quelques minutes de retard, boulot oblige, et un sourire qui fait plaisir à voir.
En fait, c'est le même sourire qu'il m'a souvent été donné de voir de lui. Je le connais depuis la fin des années soixante-dix par l'entremise d'un ami commun au Mont-de-Lasalle, le François de la chanson de Vilain Pingouin, groupe québécois de l'heure au tournant des années quatre-vingt-dix, avec des hits tel que Salut salaud, Le train, et autres Je marche seul.
Nos fréquentations d'alors n'avaient pour seul but que la musique, soit le rock et son adoration, comme seul des gamins enfiévrés de seize ans pouvaient le vivre à une époque où le culte du rock était à apogée. On en mangeait, on en parlait tout le temps et on brûlait de s'accomplir à travers elle. À cet âge, le rêve est potentiellement accessible, mais il peut être également potentiellement empoisonné pour celui qui pourrait s'entêter à ne pas décoder les signaux envoyés par la vie. À cet âge bien sûr, tout est possible. Quelque part en moi toutefois, je doutais. Déjà.
Pas de ça pour Rudy. Son bagout, son authenticité désarmante, son assurance ainsi qu'une excellente oreille et une maîtrise des concepts mélodiques et musicaux tôt à l'adolescence le plaçait dans une classe à part, à mes yeux à tout le moins. François et Rudy trippaient heavy metal (Black Sabbath, Blue Cheer, Budgie, Cream) alors que je ne jurais que par les Doors, Steppenwolf, les Who et les Stranglers, du heavy rock plus groovy, avec une nette préférence pour l'orgue et le psychédélisme. Cratère idéologique et musical important ici, à l'époque.
N'empêche, lui et Lalonde me recrutèrent dans leur projet de groupe, en me concédant la faveur de jouer au moins une pièce des Doors, de leur choix, et qui s'avérera être « Five To One ». Pas ma préférée, mais bon, une pesante disons, et une qu'on peut rendre. Je deviens alors le chanteur de Leaper, improbable groupe avec un improbable nom, résultant d'une erreur typographique, comme Caya me l'expliquera durant l'entrevue.
Un groupe qui n'existera finalement qu'un seul soir de St-Jean-Baptiste en 1979 à Laval-des-Rapides, et qui n'aura pas de lendemain. La bouture des deux visions ne prend pas. Et comme le dira Rudy, le but du groupe consistait à « n'être jamais assez bon pour être prêt ». Mais doué et têtu, Caya fera son chemin. On se perdra de vue quelques années, durant lesquelles il oeuvrera au sein de plusieurs groupes, et sera notamment un des membres fondateurs du groupe "école" les Taches.
Je l'ai recroisé au milieu des années quatre-vingt dans le métro. Il se partait alors un nouveau groupe qui devait s'appeler « Parfait Pingouin » et qui deviendra « Vilain Pingouin » pour ne pas jouer dans les plates-bandes des « Parfaits Salauds », groupe de Rémy Caset, d'après la légende. Les Pingouins naissants venaient de se trouver un local de pratique à Pointe-St-Charles, dans une grande usine désaffectée de la Northern Electric. Ça tombait bien pour moi qui cherchait un local de répétition pour mon groupe, Rogue Gallery. Rudy m'invitera à le partager, avec le même sourire qui m'accueillera presque vingt-cinq ans plus tard. Il semble qu'il y ait des gens qui ne changent pas; Rudy Caya est de ceux-là.
Durant les quatre heures qu'à duré notre entretien, on a abordé plusieurs sujets; je venais d'abord discuter d'écriture de chanson, de songwriting comme on dit en latin. Je m'étais fait un plan d'entrevue, tout en sachant bien à qui j'avais affaire... Tu sais comment débute la question, mais jamais quel tour ou détour prendra la réponse !
Nos souvenirs de Laval-des-Rapides y ont passé, ainsi que son éducation familiale et le rôle qu'a joué son père dans son évolution musicale. On a évidemment parlé de la petite histoire de Vilain Pingouin, des rapports entre les membres du groupe, et de l'importance du batteur Michel Vaillancourt à la stabilité de l'ensemble.
On a abordé aussi les origines de certaines de leurs chansons, de la carrière solo de Rudy, de la tension que celle-ci a pu engendrer au sein du groupe et, en bout de ligne, la fidélité et l'engagement de Caya envers les Pingouins. En gros, le plan d'entrevue a été respecté, mais l'échange a duré quatre heures au lieu de deux, et Rudy a été fidèle à lui-même.
Au final, vous y entendrez un Rudy Caya authentique, dans toute la verdeur de son franc-parler, jamais complaisant envers lui-même, avec une opinion passionnée sur tout, comme il le dit en fin dl'entrevue. Il n'est nullement différent qu'à l'époque où je l'ai fréquenté, soit intense, passionné et généreux. Est-ce la portion de sang irlandais qu'il a en lui qui alimente cette ardeur de vivre et de s'exprimer? Possiblement. Quoiqu'il en soit, je vous invite à le découvrir dans cette discussion à bâtons rompus.
Bonne écoute!
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Soumis par Pierre le 23 Mai, 2011 - 23:57.
Lucien Francoeur comme vous ne l'avez jamais entendu! Le nouvel album de VROMB FRANCOEUR "Avant ailleurs" est un mélange de textures sonores (ambiant noise) et de spoken word. Les textes respirent les années 60, une époque féconde que Francoeur évoque, sans parler du fantôme de Jim Morrison sans cesse invoqué (ne serait-ce que par l'album posthume de Morrison, An American Prayer), dans une modernité technoïde absolue grâce à VROMB (Mario Girard) qui livre des climats envoûtants, et au travers desquels voyagent les mots et les souvenirs d'un Lucien Francoeur halluciné.
On est, musicalement, loin de Aut'Chose et de "On achève bien les rockers", l'album de 1989 avec Gerry Boulet, et c'est une bonne chose. La poésie de Francoeur prend une humanité, une chaleur et une simplicité qu'on ne lui a pas souvent connu dans le passé. Celui-ci revisite notamment des thèmes entendus dans "On achève bien les rockers", mais aussi de l'époque d'Aut'Chose, et qui n'ont rien à voir avec les pièces originales.
Hors-norme, intemporel et addictif.
Soumis par Pierre le 16 août, 2012 - 10:44.
« Rien ne peut anéantir quelqu'un autant / que de voir ses rêves voler en poussière. » ("Tout arrive", L'écho, 2005)
Eve Cournoyer n'est plus. La rockeuse gagnante de deux prix Socan s'en est allé avec ses chansons douces-amères, et laisse ses fans dans la stupeur la plus totale, quelques jours à peine après avoir lancé son quatrième album, « Le labeur de la fleur ».
Un extrait de son (ancien) site web décrit, mieux que je saurais le faire, son approche de la chanson : « En grande amoureuse des mots, Eve Cournoyer cultive l’art de la phrase qui cogne et qui sonne, la mélodie qui accroche et qui reste dans la tête. Son écriture, ponctuée de double sens, navigue entre l’ombre et la lumière, tantôt engagée, tantôt drôle ou romantique. »
Elle m'avait conquis à l'époque de "L'écho" (2005) grâce à son travail minutieux tant au niveau de la réalisation que pour les arrangements, son sens bien affûté de la mélodie, et les mots choisis pour leur lucidité et leur franchise, souvent directs, mais combien rafraîchissants. Au delà des guitares et du fuzz, c'est surtout ça, l'esprit du rock : l'indépendance d'esprit et l'authenticité.
En tant qu'artiste indépendante, elle a fait carrière avec les « moyens du bord » avec peu de reconnaissance professionnelle. Ses albums sont d'elle, d'un bout à l'autre : paroles, musique, enregistrement et arrangements (épaulée par des musiciens inspirés, bien sûr) et réalisation.
Du gros boulot et bien des casquettes à porter. Bien des choses à penser. Du gros stress à gérer, sans faillir, à tous les jours de sa vie. Parce que c'est ce que ça implique, l'auto-production. Ta vie passe dans la musique. C'est le fil-de-fer permanent. La simplicité INvolontaire, pour le meilleur et le pire. À la longue, ça use, surtout si l'instabilité perdure. En ces temps de convergence tous azimuts, et sans machine promotionnelle, il ne faut pas entretenir d'attentes de carrière démesurées, voire du tout.
Je l'apercevais parfois dans le Mile-end, et on avait jasé musique une fois. Elle se cherchait un espace de travail à l'extérieur de chez elle, et j'avais une proposition à lui faire à cet effet, à laquelle elle n'a pas donné suite. Je sentais chez elle le besoin de changer le mal de place, de vouloir faire de la musique dans un autre environnement. C'est ce qui ressortais de notre conversation.
Son décès me touche particulièrement parce que j'ai l'impression de voir une consoeur chansonnière rockeuse, amoureuse des mots et indépendante jusqu'au bout du pic tomber au combat, littéralement. Sa démarche d'auto-productrice, soit celle d'assumer les risques financiers à ses risques et périls, je connais. Je l'ai fait. La précarité financière, le stress et l'impression de tirer seul un gros bateau pour qu'il arrive à bon port, je l'ai fait.
Je ne me suis évidemment pas rendu au point où Eve s'est rendue dans sa carrière, et ma comparaison s'arrête un peu là. Mais le gros « cashdown de maison » que je n'avais pas et que j'ai quand même mis sur ma production, je l'ai fait. La bataille en Cour pour faire valoir mes droits bafoués par des partenaires peu scrupuleux, je l'ai menée. Bonjour les frais d'avocat, le stress et les nuits blanches.
Résultat : je traînerai un boulet sur le plan de la santé pour le restant de mes jours. Vouloir mener une carrière artistique sans un gérant fiable, sans une solide équipe ou une machine promotionnelle avec les moyens de ses ambitions revient à vouloir vivre dangereusement, en cette époque de « marketing extrême ».
« Critiquer, on aime ça... » ("C'est assez" L'écho, 2005)
Lorsque la nouvelle est sortie dimanche en fin de soirée, l'annonce de son décès (encore au conditionnel) courait sur les médias sociaux, et aussi sur le fil de presse de RDI et de LCN.
Toutefois, dès le lendemain matin, c'était silence radio aux nouvelles de 8h à la radio de la Première chaîne de la SRC. Patrick Masbourian est revenu sur sa rencontre de la semaine précédente avec la grande Ève à son émission « PM ». Vingt-quatre heures plus tard, son décès relevait déjà presque du fait divers, disparu du radar médiatique. Comme pour Eve Cournoyer, l'artiste, de son vivant.
Sur les médias sociaux, certains se demandaient pourquoi en faire tout un plat, qu'elle était pratiquement une « inconnue » et que ça arrivait aussi à d'autres tout aussi inconnus. Point de vue discutable, voire détestable, pour dire le moins.
Évidemment, juger de la qualité et de la valeur des individus à l'aune médiatique relève d'une absence d'empathie ahurissante, surtout quand le décès est brutal et inattendu.
Tout départ de la sorte est un drame épouvantable, mais comme la dame était quand même un brin connue et immensément douée, son silence résonnera immensément chez ses fans. Désolé pour vous si vous ne la découvrez que maintenant.
A-t-elle ressentie un immense vide post-partum, un intense blues post-production après le lancement de son dernier album, « Le labeur de la fleur » ? Un peu à la Dédé Fortin, qui a senti qu'il n'aurait pas la force de se relever après « Dehors novembre » et d'en faire d'autres par la suite? Qui sait... Nous n'aurons peut-être jamais la réponse. Toutefois, des bribes sortent ça et là. L'endettement, la précarité et l'usure du temps auront sûrement pesés lourd ici, sans vouloir spéculer sur les motivations du décès, non-dévoilées au moment d'écrire ces lignes.
Mais il est entendu qu'en dépit des prix et des accolades qu'elle a amassé au fil de ses dix ans (et plus) de carrière, elle en aura bavé et le désespoir aura finalement eu le dessus le temps d'un cruel moment. Elle laisse au monde une fille et quatre albums, qui témoigneront de son passage parmi nous.
Repose en paix Eve Cournoyer, et merci pour la très, très bonne musique.
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Soumis par Pierre le 3 septembre, 2012 - 13:01.
La SRC diffuse, depuis samedi le 1er septembre, une série audio de quatre épisodes d'une heure intitulée D’un Plume à l’autre - Parcours à contre-courant de Plume Latraverse à propos du grand escogriffe lui-même, Michel « Plume » Latraverse, l'unique capitaine « Harrock'nroll » qui navigue depuis une quarantaine d'années avec (ou sans) ses Mauvais compagnons, loin des mers boueuses du show-business. N'a-t-il pas déjà déclaré à ce sujet, d'ailleurs : « Je préfère être capitaine de ma chaloupe qu'être passager sur un gros bateau » ? En voilà un qui a de la suite dans ses coups de rames!
Cette série fera œuvre utile en revisitant l'histoire et la carrière d'un artiste québécois majeur, connu davantage au départ comme chansonnier turbulent et mauvais garçon, mais qui est également, et surtout, poète, peintre et auteur, en plus d'être légendairement discret. Plume a définitivement marqué l'imaginaire des fanas de musique de ma génération, et son influence, non-négligeable, s'est fait sentir un peu partout dans le rock québécois des vingt dernières années, surtout depuis les Colocs (La traversée du Lac St-Jean, nommément), et dans l'oeuvre d'une multitude d'artistes, en commençant par Mononc' Serge, le bassiste d'origine desdits Colocs.
Artiste iconoclaste, autant à l'aise dans le rock 'n roll grivois que la chanson française ou le blues, Plume est un satiriste de génie avec une productivité qui rivalise avec celle des plus grands du rock. Bon, vrai qu'au début il en beurrait épais et démontrait un talent naturel pour la vulgarité et la provocation, « Bâââbépinnnne » étant possiblement le summum dans le genre.
J'ai eu l'album « Plume Pou Digne » bien vissé dans les oreilles dès l'âge de treize, quatorze ans, alors qu'il se propageait comme un virus parmi mes amis. Une production de Gilles Valiquette parue en septembre 1974, le mot se passait à propos du personnage, et mon chum Bouthillier a eu tôt fait de m'y initier, et c'est vite devenu l'équivalent d'un rite de passage dans mon cas. C'était l'âge des premiers essais: la cigarette, les filles, un avant-goût de la puberté...
Comment résister à la grivoiserie contagieuse de « Rideau », surtout « si vous payez le cognac gnac gnac... ». Idem pour « Bonne soirée » avec l'aliénation et la paranoïa dans le tapis, ou encore « Strip-Tease », qui était davantage un déculottage en règle de la société québécoise. En fait, le discours critique de la société de consommation traverse l'album de bord en bord, et reste d'une pertinente actualité. Plume Latraverse, punk avant son temps ? Peut-être bien.
Mes chums et moi chantions la triste histoire (et non moins absurde) « Léopold Gibouleau » avec une joie maniaque, en choeur et avec cœur. « Le gros flash mauve » « Calvaire (Volver) » « Ne pleure pas, petite fille », toutes ces chansons s'immisçaient dans mon imaginaire comme trame sonore de mes premiers élans adolescents, et dévoilaient aussi la grande sensibilité dont Plume était capable.
Ajoutons la pincée de « Cassonade » Steve Faulkner qui faisait pleurer sa guitare lead par-dessus ça, et ça me faisait plier les genoux illico. Ça mettait des mots sur mon spleen adolescent. Et je prends encore une grande inspiration durant l'intro de « Encore des mots » et sa mélancolie sourde. Bref, la guitare de Steve Faulkner me donnera toujours des frissons.
Je connaissais l'album d'un bout à l'autre. J'écoutais ça quand même discrètement, puisque je n'étais pas convaincu de recevoir l'approbation de mes parents, la leur avoir demandé. Mais je ne manquais pas de liberté, même à cet âge, et je n'avais pas l'intention d'aller au devant du trouble. J'ai toujours le vinyl et, oui, je connais encore l'album par cœur...
Je m'en voudrais de ne pas relever la grande musicalité des chansons et la qualité des mélodies - peut-être un aspect sous-estimé de l'oeuvre plumesque – ainsi que de l'enregistrement et du montage sonore de cet album rempli de trouvailles, et qui figurait parmi les premières réalisations de Gilles Valiquette. Je souligne aussi l'apport de l'angélique Fabienne Thibault en tant que choriste, dont c'était la première apparition sur un album.
J'ai vu Plume à la salle André-Mathieu, au tout début de l'histoire de cette salle, dans les alentours de 1978. J'y ai vu là un Plume lâché lousse avec ses musiciens, et qui donnaient un sacré bon show, déjà très débridé, probablement dans l'esprit de ce qui devait se faire à l'époque de Percé et de Chez Dieu : un show haut en couleur, avec Latraverse qui arrosait copieusement de bière son harmonica, son batteur qui errait sur la scène entre deux morceaux en feignant d'être aveugle - avec lunettes fumées et canne blanche - et qui finit à quatre pattes pour ramasser les trente sous que le public lui lance; et des « Maaaaisons!! » à plus finir, à la fin du « Blues de la bêtise humaine ». Bref, le show que l'on retrouve sur l'album « À l'Outremont » paru en 1977. Mémorable.
Je suis passé à autre chose au moment où il marquait une transition, soit à partir de « Chirurgie plastique » alors que Cassonade n'officiait déjà plus sur la guitare lead et que je trouvais insupportable le son de son nouveau guitariste. Plume a gardé le cap de sa chaloupe, est resté résolument indépendant, et a poursuivi sa carrière au très long cours. Très heureux de refaire son parcours avec lui.
D’un Plume à l’autre -Parcours à contre-courant de Plume Latraverse
Sylvain Cormier, à propos de la série
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