Soumis par Pierre le 12 avril, 2010 - 22:14.
Il s'agit de la forme en chanson qui est, traditionnellement, la plus connue et celle qui nous vient à l'esprit en premier. Elle n'est pas la seule qui existe et qui est utilisée en chanson populaire, loin de là.
« Quel est le rôle du refrain dans une chanson ? » me demandait Benoît dans un billet précédent.
D'abord, le refrain est habituellement un sommet musical, le moment fort de la chanson qui est souvent trouvé en premier au moment de la création. C'est une partie « magique », le « hook » qui nous fait allumer, qui est excitante et qui se démarque particulièrement.
Si le refrain nous accroche comme créateur, il risque aussi d'accrocher l'oreille d'un auditeur éventuel qui, souhaitons-le, ira jusqu'à débourser pour l'acheter et l'écouter à loisir. Voilà le rôle premier d'un refrain; être accrocheur, inoubliable et de s'ancrer de manière indélébile dans nos oreilles et notre mémoire.
D'un point de vue d'auteur/compositeur, dès lors que cette partie existe, il devient plus facile de composer autour de celle-ci, plutôt que l'inverse. Sinon, la commande devient tout autre, et on peut chercher une partie « magique » longtemps...
En terme de durée, un refrain devrait faire au moins huit mesures, afin de bien prendre sa place dans le temps; ce bloc peut même être doublé et faire jusqu'à seize mesures. Selon le tempo de la pièce, sa durée en secondes sera variable. Mais c'est clair que l'on doit sentir un
« pic », une montée à l'arrivée de celui-ci. Le refrain sera habituellement répété (parfois ad nauseam) à la fin de la chanson. C'est la raison d'être de la chanson.
Le refrain devrait être le résultat logique et émotionnel, et répondre à la question sous-jacente posée par le couplet qui le précède: « Et c'est pourquoi je dis... ». Le refrain est toujours le résultat des couplets, et le résumé de la chanson. Votre titre sera, lui, le synopsis de votre refrain qui comporte l'essentiel de votre propos.
Prenons l'exemple de Emmenez-Moi de Charles Aznavour:
La forme est la suivante: C / R / C / R / C / R; l'enfance de l'art. Le rythme est en mode ternaire, soit en 3/4, une rythmique de valse. Sauf erreur, les couplets font seize lignes sur 46 mesures et les refrains font 16 mesures. Aznavour marque une légère pose avant d'attaquer le refrain, afin de le mettre en évidence.
Graphiquement, voici ce que donne « Emmenez-Moi »:
R R R
↗ ↘ ↗ ↘ ↗
C C C
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Soumis par Pierre le 1 février, 2012 - 16:51.
Petite capsule de composition de chanson avec Dave Grohl (Foo Fighters, Nirvana) qui résume en deux minutes l'essentiel de la composition d'un hit, soit d'avoir un slogan, d'aboutir au refrain et comment le structurer musicalement.
Morale de l'histoire: "Don't bore us, get to the chorus" qu'on peut traduire par "Ne traîne pas et amène ton refrain!".
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Soumis par Pierre le 12 avril, 2010 - 22:51.
On vient de voir que le refrain se doit d'être une nouvelle partie, d'au moins huit mesures pour être légitimement considéré ainsi, et qu'il doit répondre à la prémisse posée par le couplet qui cède la place au refrain: « et c'est pourquoi je dis... ». Il doit y avoir une logique tant rationnelle qu'émotionnelle au fil des parties qui alternent. Un vers répété peut-il donc être perçu comme refrain? Ça n'est pas impossible, si celui-ci débute une nouvelle section dont on sentira une montée en intensité et en musicalité, un certain « pic » tel que représenté sous forme de triangle ci-dessus.
On a plus de chance que le vers répété vienne donner l'impression de clore une partie, un couplet. On aura alors une sensation de finalité plutôt que de décollement (n'oublions pas le rôle joué par la musique et la mélodie ici). Mais aussi, terminer un couplet par le titre, qui se répétera dans le refrain qui suit immédiatement, risque de tuer un certain effet de surprise. Pas une bonne idée.
Habituellement, le vers accrocheur qui ouvrira le refrain a toutes les chances de devenir le titre. Habituellement, mais pas tout le temps; pour certains refrains, le titre sera positionné en dernier; on se trouvera alors « aspiré » vers celui-ci, et les phrases qui le précéderont devront préparer le chemin pour qu'il tombe sous le sens. À tout le moins, on devrait répéter le titre à au moins deux reprises dans le refrain, histoire de le mettre en valeur.
Le titre se doit de figurer dans le refrain, comme on l'a vu précédemment. Sous réserve d'exception (ce qui n'est jamais impossible, on est dans le domaine de la créativité), on ne sera donc pas ici en présence du début d'une nouvelle partie. On risque plus d'être en présence d'une forme AAA, ou un vers répété fera office de "rappel". On verra ça dans la partie sur la AAA.
D'une façon, ce que j'expose ici figure comme « norme », comme règle générale. C'est toujours possible de démontrer qu'une chanson en particulier contourne ladite règle, et que ça fonctionne quand même. Il se peut que ça soit vrai, mais ça a aussi toutes les chances de démontrer que l'on parle de l'exception qui confirme la règle.
« Une chanson a-telle toujours besoin d'un refrain ? »
Non. Encore là, cela dépend de la forme choisie et du déploiement de la mélodie. Les formes AAA et AABA n'ont pas de refrains tel qu'on l'a vu précédemment, et un grand nombre de chansons ne répondent pas aux critères du refrain/couplet cités plus haut, et sans que nos oreilles profanes n'en souffrent trop, soit dit en passant.
Mais comme la chanson n'est pas une science mais bien évidemment un art, on sera tenté de qualifier de « refrain » toute phrase mémorable qui se détachera dans une chanson, et qui pourrait faire office de « hook », de ligne mémorable.
L'oreille cherchera à retenir une phrase mélodique qui ressortira. Mais si on revient à certaines balises strictes, plusieurs chansons qualifiées de « refrain/couplet » échoueront au test des huit mesures ou à celui du titre absent du refrain.
Mais bon, c'est sûr que ce n'est pas une raison pour bouder une bonne chanson, n'est-ce pas?
À suivre: Quel est le rôle du couplet?
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Soumis par Pierre le 12 avril, 2010 - 23:01.
Le couplet est la description d'un problème ou d'une situation, alors que le refrain apporte la solution ou la résolution de la situation. Le couplet sert à bien enchaîner les répétitions du refrain.
Ils serviront de prétexte logique et mettront la table pour le retour du refrain, en établissant au préalable la prémisse « Et c'est pourquoi je dis... » vue précédemment.
On y trouvera la source, la continuité et les détails de l'histoire. Ne les étirez pas indûment; le but est de mettre le refrain en valeur, et celui-ci devrait apparaître dans la première minute de la chanson, selon une "loi" radiophonique non-écrite.
Un vieux dicton du milieu dit ceci: « Si le couplet est nul, j'arrête d'écouter; s'il est correct, j'écoute jusqu'au refrain ». À méditer.
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Soumis par Pierre le 26 avril, 2010 - 15:24.
La forme AAA est la plus simple et la plus ancienne des formes de chanson. Elle remonte loin dans le temps, peut-être même jusqu'à La chanson de Roland, mais elle s'est précisée au fil des siècles. On dit qu'elle est une forme simple puisqu'elle favorisait à la base la transmission orale de traditions et de poèmes, en en facilitant la mémorisation. Ce qui en fait d'office la forme idéale pour les chansons à texte, où la parole prend souvent le plancher.
À la base, il s'agit d'une répétition de couplets qui se suivent sur une même mélodie, une même scansion. Une fois qu'on en a entendu un, les autres épousent le même schéma, à quelques notes près en y allant de légères variations spontanées pour rompre la monotonie.
L'appellation AAA est générale; on en répète les couplets tant qu'on en a besoin. Les chansonniers folk ont adopté cette forme depuis longtemps. Grâce à sa simplicité, on laisse place au texte et à la revendication, mais pas seulement, ni obligatoirement. On peut y aborder tous les sujets que l'on souhaite.
Prenons par exemple la pièce Do That To Me One More Time du duo Captain & Tennille.
Voici une représentation minimale de la AAA: les deux premiers couplets sont distincts l'un de l'autre, et sont suivis d'une reprise instrumentale de la même progression harmonique. L'on revient ensuite avec la répétition du premier couplet comme troisième et dernier couplet. On enchaîne par la suite avec une répétition d'une variante sur le titre [Do that to me once again] pour finir par le titre en phrase ultime. La simplicité même.
Johnny, Tu N'es Pas Un Ange, créée en français par Edith Piaf, est la traduction de Johnny is the Boy for Me et démontre que la forme AAA dans l'espace francophone, ne date pas d'hier.
Dans les deux premiers couplets, Piaf s'adresse directement à son amoureux, en terminant avec la ligne [Si tu étais plus galant / Je t'aimerais tout autant]. Toutefois pour le dernier couplet, l'on passe du spécifique au plus général en dressant un portrait plus large du comportement masculin à qui [Il faut tout (...) pardonner].
À l'opposé, la chanson Le Gorille de Georges Brassens se déroule sur neuf couplets, chacun amenant une nouvelle dimension à la rencontre tragi-comique d'un « jeune juge en bois brut » et d'un gorille qui souhaite ardemment perdre son « pucelage ». Chaque couplet se termine par un « Gare au gorille » ironique et prophétique...
La forme classique est de huit vers sur seize mesures avec un minimum de trois couplets; toutefois cela reste très variable. Par contre, c'est clair qu'on y retrouve ni refrain, ni pont; il s'agit d'une mélodie continue qui se déploie sur l'ensemble du couplet. À la fin dudit couplet, à défaut de préparer une envolée d'au moins huit mesures (comme pour un refrain), on sent plutôt un effet de conclusion, d'arrêt avant de recommencer un nouveau couplet. Chaque partie est complète en elle-même, mais fonctionne à l'intérieur d'un tout, tel des vignettes qui forment un portrait plus large.
The Wreck Of The Edmund Fitzgerald chanté par Gordon Lightfoot en 1976, est une composition en rythme ternaire (6/8) et en sept couplets de 20 mesures chacun pour une durée de plus de six minutes, racontant le naufrage du S.S. Edmund Fitzgerald sur le Lac Supérieur en novembre 1975. Grâce au dépouillement de la forme AAA, l'emphase est mise sur le texte qui raconte sobrement la tragédie. Ce titre fut, incidemment, le dernier des grands succès de Lightfoot au palmarès.
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Soumis par Pierre le 26 avril, 2010 - 15:49.
Prenons « Comme Un Million De Gens » de Claude Dubois.
La forme de ce classique de Dubois est de quatre couplets, soit les trois premiers qui font 24 mesures, et le dernier qui déborde légèrement autour de 30.
Le premier couplet débute par [Il est né un jour de printemps / il était le septième enfant / d'une famille d'ouvriers / n'ayant pas peur de travailler / Comme un million de gens... » et se termine par « Autour de lui y avait plus petits et plus grands / Des hommes semblables en dedans], phrase qui reviendra tel un « rappel », inlassablement à la fin de chaque couplet. Résumé du premier couplet donc: la naissance d'un nouveau membre de la famille qui aura à faire sa place dans le monde, avec constat sur la condition humaine qui terminera chacun des couplets à venir.
Le deuxième y va d'un [En mangeant un morceau de pain / il avait vu que le voisin / avait quelque chose sur le sien / qu'il aurait bien aimé goûter / Comme un million de gens...] Afin d'améliorer son sort, celui-ci devra cesser d'étudier pour mieux manger. On avance dans l'histoire et dans le cycle de la vie.
Et ensuite: [Puis un jour il a rencontré / Une femme qu'il a mariée / Sans pour cela se demander / Si, du moins, il pouvait l'aimer / Comme un million de gens...] ils ont vieilli, ont eu des enfants qui, eux aussi devront serrer leurs poings pour subsister. Et encore, le « rappel » tel un mantra universel au futur cette fois: [Mais autour d'eux y aura plus petits et plus grands / des hommes semblables en dedans].
Et pour conclure, le quatrième couplet, toujours sur la même progression harmonique et qui débute, cette fois-ci par le titre: « Comme un million de gens... » qui pourraient se rassembler afin d'améliorer leur sort... Et pour une dernière fois, le rappel pour conclure, philosophiquement que la nature humaine est ce qu'elle est, invariablement.
La caractéristique de « départ-arrêt » propre à la forme AAA favorise la présentation de portraits et de changements de temps et de lieu. « Comme Un Million De Gens » en est une démonstration patente. On y retrouve un portrait humain et universel tout en progression, avec à la fin de chaque couplet une ligne qui ramasse, qui prouve la démonstration que nous fait Dubois de la roue de la vie qui tourne inlassablement, et le comportement très humain de ses ouvriers qui tentent de subsister dans un milieu dur.
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Soumis par Pierre le 26 avril, 2010 - 16:36.
Demain l'hiver de Robert Charlebois est un autre exemple de forme AAA qui n'est pas forcément évident à décoder; ne serait-ce pas une forme refrain / couplet qui ne s'assumerait pas?
J'opte pour la forme AAA pour les raisons suivantes: on a affaire à trois gros couplets de 20 mesures indissociables les unes des autres. La mélodie se déploie sur l'ensemble de ces mesures. On ne sent pas pas une montée de tension qui amènerait une nouvelle impulsion d'au moins huit mesures, et qu'on pourrait identifier clairement comme refrain. Et on a un « rappel » de la fin du couplet: [Je vous laisse ma paix / je vous donne ma paix / je me pousse en paix avec les canards] avec une ironie propre à ce type de phrase concluante. On sent que le couplet se termine, et qu'on repartira d'un point de départ identique aux précédents.
D'autres titres usant de la forme AAA:
Marjo: Chats Sauvages
Bob Dylan : Blowin' In The Wind
Yves Duteil: Prendre Un Enfant Par La Main
Don Henley (The Eagles): Dirty Laundry
Simon & Garfunkel: The Sounds Of Silence
Jean-Louis Murat: Dieu N'a Pas Trouvé Mieux
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Soumis par Pierre le 24 juillet, 2010 - 17:01.
« La structure AABA, avec ses quatre blocs de huit mesures, est à la base de toute musique populaire occidentale, fût-elle recherchée, de type folk ou pour le théâtre. » - Lehman Engel
Cette citation (traduite librement) ouvre le chapitre à ce propos dans The Craft of Lyric Writing, et illustre bien l'importance de cette forme dans la musique populaire.
La forme AABA (ce lien en anglais est plus élaboré que le précédent) est la forme privilégiée pour exprimer l'émotion d'un moment, et propice à mettre en lumière un état d'âme. Ses parties coulent de source, ses mélodies sont élégantes et raffinées, et sa structure favorise l'unité dans le temps, le lieu et le propos. C'est la structure de maints et maints standards de jazz.
Il faut comprendre, selon Sheila Davis, que ces chansons ont d'abord été crée en tant que mélodie: « Lorsqu'un compositeur crée une mélodie qu'il porte en lui, il va de soi que, plutôt que d'avoir à en créer une pour accommoder un texte déjà existant, une mélodie supérieure en résultera inévitablement. »
Serait-ce là un secret bien gardé du succès de certaines chansons qui ont cette forme?
D'OÙ VIENT LA AABA?
Elle provient de Broadway au tournant du XIXème/XXème siècle. Cette forme était en fait le refrain (!), le coeur de la chanson, dont les couplets servaient à alimenter l'histoire et à mettre en valeur la vedette d'alors. En famille, autour du piano, les personnes s'étant procuré la version papier du morceau (on est avant le phonographe là!) ne retenaient et ne chantaient principalement que ce méga-refrain de trente-deux mesures.
Les éditeurs de musique (entre autres), gens d'affaires avisés s'il en est, ont probablement contribué à faire réduire progressivement la taille de ces chansons auprès des compositeurs pour n'en garder que la « substantifique moëlle », comme on dit, soit quatre parties de huit mesures découpées de la façon suivante: une mélodie se développant sur huit mesures, (un premier bloc A), suivi immédiatement d'une répétition du même bloc (A-A).
S'ensuit alors un troisième bloc qui porte souvent le nom de pont (synonyme de middle-eight) qui amène une dynamique différente, une variante dans le texte et dans les accords. On y glisse un angle, un contraste ou tout élément qui ne peut aller ailleurs dans le morceau.
Si l'arrivée du pont est inévitable dans la forme, le retour à un troisième bloc A est tout aussi inévitable, d'où résulte la forme A-A-B-A qui va aller chercher un minutage, selon le tempo, dans les deux à trois minutes.
En 1932,Cole Porter a fait fait passer la forme de trente-deux à quarante-huit mesures avec Night & Day, et depuis plus personne ne se limite à trente-deux.
L'on remarque dans cette interprétation d'Ella Fitzgerald la présence d'un couplet d'introduction dont peut se passer la pièce. Dans les années trente, ce type de couplet aura pratiquement disparu.
La chanson le plus reprise de l'histoire, Yesterday est une authentique AABA, ou plus précisément une AABA-BA. Les parties A font respectivement sept mesures, et les B en ont huit.
En 1983, le groupe The Police ont poussé la forme vers de nouvelles possibilités en ajoutant une partie supplémentaire (un C) à leur succès planétaire Every Breath You Take. Cette partie débute à la phrase [Since you've gone... ] et joue en quelque sorte le rôle du vrai « middle-eight » de la chanson, ce qui donne la forme suivante: AABA-C-B-A-(Coda).
Sting a déclaré avoir écrit ce titre en dix minutes en pleine nuit, certainement avec un grand sentiment d'urgence. Cependant l'histoire ne dit pas combien de temps il l'a mijotée celle-là, consciemment ou pas.
Philippe Katerine est l'un des auteurs-compositeurs français qui me réjouit le plus ces dernières années. Son premier succès radio, Je Vous Emmerde, est un hymne auto-dérisoire post-moderne aussi drôle en clip qu'en audio. Il s'agit aussi d'une forme AABA-A-B-A (ce dernier de douze mesures) et qui se termine par un dernier A. Juste pour dire combien cette forme reste pertinente et encore malléable, après toutes ces années de loyaux services à la cause chansonnière.
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Soumis par Pierre le 25 juillet, 2010 - 19:04.
Dans « The Craft of Lyric Writing », Sheila Davis répertorie deux variantes à l'élégante AABA, soit les formes ABAB et ABAC qui sont des parents de la « fesse gauche » de la AABA, pour faire image. Elle explique qu'« alors que les Berlin, Kern, Gershwin, Porter et Rodgers créaient leurs classiques chansons AABA, ils en créaient aussi une somme équivalente sous la forme ABAB et sa variante, la ABAC ».
Identique en longueur de structure, soit toujours les mêmes trente-deux mesures, la ABAB a (au lieu de trois blocs A séparés par un bloc B qui sert de lien pour amorcer le tournant vers la fin de la chanson), un bloc A de seize mesures immédiatement suivi d'un autre bloc de dimension similaire (le B) mais en même temps légèrement différent et qui obéit à une autre dynamique musicale.
Dans certains cas, on peut imaginer une longue mélodie ascendante sur les premières seize mesures, et qui se conclura progressivement par un mouvement descendant (par exemple) sur les seize suivantes. Sheila Davis compare ces deux parties à des « jumeaux siamois ». C'est une bonne image.
« Fly Me To The Moon » est une ABAB classique et indémodable. Il faut compter seize mesures par bloc pour bien voir la forme.
Et voici la variante ABAC avec « Call Me Irresponsible » interprétée par Michael Bublé. Le bloc C est la partie explosive du milieu, alors qu'on s'attend à un deuxième B, qui démarre presque de la même façon, mais qui abouti ailleurs.
Le « hic » de ce genre de forme, s'il y en a un, c'est que cela donne des chansons un peu moins évidentes commercialement parlant que les sempiternelles « refrain/couplet », et qui exigent des mélodies certainement au-dessus de la moyenne pour s'imposer.
Le sirupeux Lionel Richie a crée un monstre avec sa chanson « Hello » en 1984. Richie a modernisé la forme ABAB en insérant un thème au piano de quatre mesures à l'introduction et qu'il répétera entre les trois blocs de seize mesures de la chanson, ce qui a modernisé la forme à l'époque. Le fait de ramener un troisième bloc A /B débutant par un solo pour finir avec une répétition de texte déjà entendue auparavant, lui aura permis de maximiser le potentiel de la ABAB, commercialement parlant.
On trouve l'équivalent en français chez Gilbert Bécaud avec et son tube de 1972, « Un peu d'amour et d'amitié »
Notez qu'il faut compter ici non pas seize, mais vingt-quatre mesures par bloc. Notez aussi que le bloc B balance agréablement le A précédent, mais jamais ne le domine, mélodiquement parlant. On ne sent pas une montée irrésistible, comme si c'était un « pic » un sommet comme dans un refrain qui suit le couplet. C'est pour ça qu'on a l'impression que ces deux blocs cohabitent si bien dans un ensemble de quarante-huit mesures, ensemble qui reviendra une deuxième fois seulement avant de conclure la chanson (sauf dans ce clip, évidemment, Bécaud trop excité de son nouveau chef-d'oeuvre!)
Une variante à la sauce Francis Cabrel: Je t'aimais, je t'aime et je t'aimerai, où l'on doit compter seize mesures pour le bloc A, et puis douze pour le bloc B. Des ajouts instrumentaux rehausseront la modernité de la forme.
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